Dés-orient-ation

Il y a quelque temps, on apprenait que le pape Benoît XVI levait l’excommunication de quatre évêques traditionnalistes : au-delà d’une communication très maladroite dans sa forme et dans son timing, comme l’a reconnu tout récemment le pape lui-même à travers une lettre explicative de très grande tenue, on notera que l’on reprochait alors au siège de Rome une bienveillance et une miséricorde quasi-coupables.

Et voici que, tout récemment, suite à l’excommunication -a priori maladroite et choquante, admettons-le- de la mère d’une jeune fille brésilienne de 9 ans, enceinte « des œuvres de son beau-père » comme on dit, et du corps médical qui l’a aidée à avorter -œuvre de mort tout à fait condamnable dans le principe, admettons-le aussi-, excommunication d’autant plus douloureuse qu’elle n’avait en rien touché le principal fautif, le beau-père, on reproche aujourd’hui à certains représentants de l’Église catholique, voire à l’Église elle-même, une rigueur inacceptable.

Il n’est pas dans mes intentions ici de discuter le détail complexe de chacun de ces deux cas, qui semblent d’ailleurs, après un mauvais « départ », trouver des issues plus heureuses : la lettre de Benoît XVI est d’une grande hauteur de vues, l’excommunication a été levée par la conférence épiscopale brésilienne (1)… Le propos de ce billet se situe tout à fait ailleurs. Je constate d’abord que l’on demande beaucoup à la dite Église, de manière parfois contradictoire, sans trop de recul : c’est dur, mais c’est aussi à mon sens fort encourageant car cela montre qu’elle reste pour beaucoup, quelles que soient les convictions affichées, un phare. Et l’on sait bien, en particulier pour ceux qui ont lu un jour le livre de J. Maritain, L’Église, sa personne et son personnel, qu’au-delà de son personnel, pécheur et maladroit comme on vient de le rappeler, c’est sa personne, et donc celle du Christ, à laquelle on se réfère.

Et je constate ensuite que le personnel de la dite Église a bien du mal à trouver ses repères dans une société qui bouge très vite, en particulier dans le domaine de la communication. Il est dés-orienté. Il a du mal à comprendre -cela s’est déjà vu aussi, malheureusement, dans le cas des prêtres pédophiles et de leur « gestion » par les évêques- qu’une information locale peut très vite devenir, par le biais d’Internet en particulier, une information globale et générale, qu’un jugement trop hâtif va faire beaucoup de dégâts et aura du mal à être rectifié du fait de son amplification, ou inversement qu’une mesure minimale et trop tardive peut se révéler très insuffisante lorsqu’elle est rapportée à une question grave et d’ampleur inattendue etc.

Il faut un don particulier pour faire face, avec justesse, élan, et prudence tout à la fois,  à cette immédiateté et à cette extension tous azimuts de l’information : don personnel et don de l’Esprit (charisme) tout à la fois. Je me souviens avoir toujours été admiratif devant beaucoup d’interventions télévisées du cardinal Lustiger : il avait ce don. D’autres l’ont moins : difficile de leur en vouloir vraiment. Il y a sans doute pourtant quelque chose à faire pour présenter un meilleur visage de l’Église aux médias, sans systématiquement rejeter la faute sur eux.

Puis-je suggérer, au risque de paraître hors sujet, un moyen de mieux réussir la communication dans l’Église ? Il me semble que, dans ce domaine tout particulièrement, il faudrait savoir faire appel à des femmes, au moins pour étudier préalablement les cas importants qui appellent des réactions : chacun sait qu’elles réagissent volontiers plus avec leur coeur et leurs entrailles qu’avec leur tête, en mères, et que leur jugement peut être assez différent de ceui des hommes, éventuellement complémentaire. Dans le cas évoqué plus haut de la jeune fille de 9 ans, dans le cas des prêtres pédophiles, et même dans le cas des traditionnalistes, je crois que,  si des femmes avaient été consultées, elles auraient contribué à nuancer ou modifier les  jugements et solutions proposés.

1. Je note que certains évêques français ont pris vigoureusement la défense de cette femme et du personnel médical : on me signale par exemple la lettre ouverte de Mgr Daucourt. Il faut aussi considérer la toute récente tribune de Mgr Fisichella dans l’Osservatore Romano. Maintenant, reconnaissons qu’il peut y avoir derrière tout cela une forme de manipulation en faveur de l’avortement : je renvoie à un article de Famille chrétienne. Difficile vraiment de se faire une idée, la prudence s’impose.

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