Pâques sur cette terre

Le printemps a commencé ce 21 mars. Le Carême touche à sa fin. Le jardin de l’École biblique est tout vert : non pas de belles plantes herbacées réparties avec soin, encore qu’il y en ait parce que le jardinier fait merveille, mais de toutes sortes de mauvaises herbes, poussées soudainement avec les dernières pluies et qui périront très vite dès que le soleil brûlant aura fait son apparition. Cette efflorescence est connue aussi dans le désert, et les traducteurs de l’ancienne Bible de Jérusalem l’ont comparée au regain, l’herbe qui repousse juste après la fauche : « vos os comme le regain reprendront vigueur » (Isaïe 66,14). Et qui sèche tout aussi vite qu’elle est montée. Le thème du regain évoque tout à la fois la fragilité de nos vies, et la force souterraine de la vie qui ne cesse de renaître parce qu’elle est don de Dieu. Pâques dans la nature.

C’est une telle expérience que nous avons été invités à faire pendant ce Carême et qui s’achèvera prochainement à Pâques. La fragilité d’abord, celle de nos résolutions, celle de nos engagements, celle de nos forces. Je ne suis pas sûr que la rigueur de notre jeûne nous conduise à sortir bientôt de ce Carême aussi fatigués que nos frères musulmans du Ramadan. Le jeûne ne parait pas avoir auprès de trop nombreux chrétiens d’aujourd’hui le renom qu’il a toujours eu auprès de nos pères dans la foi. Pourtant, en inaugurant sa vie publique (Matthieu 4,2 ; Luc 4,2), Jésus a choisi de passer quarante jours dans le désert, dans le jeûne et la prière ; quoi qu’il en soit de la valeur plus ou moins symbolique de cet épisode, sur lequel l’évangéliste Marc est beaucoup plus discret (1,12-13), il témoigne de l’importance du jeûne pour les évangélistes et les premiers chrétiens.

Don de la vie ensuite. Le Carême invite sans doute moins le chrétien à s’éprouver qu’à accepter d’être éprouvé. Accepter d’être fauché : le mot est ambigu en français, mais pourquoi ne pas en prendre les différents sens ? Après tout, le Carême nous invite aussi au partage, au don. Et comme il n’est pas de don véritable sans don de soi, il nous invite aussi à nous perdre nous-mêmes, à accepter le passage de la faux sur nos misérables désirs, sur nos vanités, sur nos accumulations, sur nos coupables envies ou jalousies. Au travers d’une telle expérience, librement consentie, on découvre ou redécouvre la richesse du don de Dieu, la vie qui renaît : ce sur quoi nous avions fondé nos vies, les forces auxquelles nous nous étions attachés ont disparu et nous sommes toujours là, parce que c’est Dieu qui nous fait vivre. Pâques dans nos vies.

Une amie me l’a souvent fait remarquer : pour que tes mains se remplissent, il faut bien d’abord qu’elles se vident. Trop souvent, nous les refermons sur ce que nous croyons avoir, et, lorsque nous les rouvrons, il ne reste plus que cendres ou moisissures. En les gardant ouvertes, toujours ouvertes, nous perdons certes beaucoup, mais nous gagnons aussi sans cesse parce que nous accueillons en elles le don de Dieu, sa vie, celle de son Fils Jésus-Christ ressuscité des morts.

 

P. S. Nous allons accueillir prochainement, du 8 au 15 mai, Benoît XVI en Terre Sainte. Combien de mauvais procès lui prépare-t-on ? Qu’il y ait des problèmes de communication dans la Curie Romaine et jusqu’au Pape, c’est une chose que tout le monde ou presque admet, et je m’en suis fait l’écho récemment sur ce blog. De là à caricaturer les propos de Benoît XVI comme cela vient d’être le cas à propos du préservatif, je ne comprends plus : certains ont opéré un complet détournement de sens !

Sur ce sujet, après avoir parcouru d’innombrables réactions et bien des blogs cathos ou non, je crois que l’essentiel a été dit lorsqu’on a enfin fait remarquer, à la suite semble-t-il d’Olivier Boulnois, que le pape n’a pas dit « on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d’augmenter le problème », ce qui peut déjà se comprendre si l’on veut bien faire attention, mais « S’il n’y a pas l’âme, si les Africains ne s’aident pas, on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d’augmenter le problème ». Les « si » ne sont quand même pas indifférents ! « Si tu continues comme cela, je vais sévir » est très différent de « je vais sévir », non ? Allez, je m’arrête là, inutile de sévir !

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