De la bonne manière de marcher (Lc 3,1-6)

Frères et sœurs, de manière directe ou indirecte, il est beaucoup question de marche dans nos lectures de ce jour. Le prophète Baruc invite Jérusalem à regarder ses enfants qui reviennent d’exil ; Paul demande aux Philippiens de progresser en marchant vers le Jour du Christ ; et Jean-Baptiste parcourt la région du Jourdain pour préparer le chemin du Seigneur et aplanir sa route.

La marche est un trait bien connu de l’histoire biblique, ne serait-ce que par le fameux Exode. Mais ce même thème structure notre vie chrétienne dans son ensemble puisque celle-ci se présente comme un retour vers Dieu. Et il structure aussi notre vie chrétienne dans plusieurs de ses éléments, sans parfois que nous nous en rendions compte : le temps de l’Avent est une marche vers Noël, et chaque sacrement, dans son déroulement même, est une marche à la rencontre du Christ, par exemple dans la communion à son corps et son sang pour l’eucharistie. Aujourd’hui, on nous propose plusieurs formes de marche, qu’elles soient de protestation, des fiertés, funèbres, à l’ombre ou que sais-je encore : elles peuvent avoir leur utilité, mais elles sont très loin en qualité de signification de la marche biblique et chrétienne.

Qu’est-ce qui caractérise la façon chrétienne de marcher ? Il ne s’agit pas seulement de mettre un pied devant l’autre et de recommencer, comme on me l’a dit quand j’étais petit. La marche chrétienne réunit trois traits caractéristiques. Le premier est qu’elle s’origine dans un appel de Dieu, qui vient orienter une vie, ou plus simplement un moment de cette vie. L’appel de Dieu peut être direct et soudain, comme celui que reçut Abraham : « va, quitte ta maison et ta parenté et pars vers le pays que je t’indiquerai », ou celui qu’a vécu Paul sur la route de Damas. Mais il est le plus souvent médiatisé par des parents, des amis : « le Seigneur t’appelle, tu devrais te joindre à tel ou tel groupe…te rendre à Lourdes ou à St Jacques, ou tout simplement venir à la messe ».

Mais partir pour quoi, ou pour où ? Le deuxième trait tient dans une finalité particulière qui est de l’ordre d’une rencontre, celle de Dieu ou de Jésus. Cette rencontre, tous les voyageurs en témoignent qu’ils soient en route vers Jérusalem, Rome ou Lourdes, ou plus simplement participent à une messe, est à nulle autre pareille et peut transformer fortement et durablement toute vie en la libérant de bien des poids. Et là, force est de reconnaître que les autres marches dont j’ai parlé sont très pauvres et ne peuvent rien offrir qui soit comparable à la gloire, le jour du Christ, ou le salut, toutes ces finalités dont parlent nos lectures d’aujourd’hui.

Le troisième trait de la marche chrétienne est qu’il s’accomplit sur une route particulière, qui est le Christ lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », affirmait Jésus en réponse à l’apôtre Philippe. Si l’appel ou même la fin, les deux premiers traits de la marche, ne sont pas entièrement de notre ressort, il en va différemment de la route elle-même, qu’un saint Paul appelle « vivre en Christ ». Il s’agit pour chacun de nous de se laisser configurer au Christ dans toute la vie et, à l’image du marcheur s’il est trop chargé ou s’écarte de sa route, d’accepter bien des allégements ou des ajustements. Remarquez qu’il s’agit beaucoup moins de faire que d’être fait, de proposer que de prendre en compte ce qui est proposé : c’est la route en quelque sorte qui décide plus que le marcheur. C’est bien cela qu’évoque Jean-Baptiste lorsqu’à la suite du prophète Isaïe, il invite à aplanir la route, et il est de notre liberté d’accepter ce nivellement ou de le fuir.

Il peut par contre arriver que, quelle que soit notre élan ou notre bonne volonté, le souffle manque, que nous trouvions la route étroite et bien longue. Que fait le marcheur ? Il regarde à nouveau le but, il y porte ses yeux et son cœur pour se redonner courage. Voilà bien la meilleure façon de marcher, qu’est d’ailleurs la nôtre : c’est de regarder toujours vers le Christ et de recommencer. Saint Paul l’avait d’ailleurs déjà dit, d’une autre manière, dans sa lettre aux Philippiens : « oubliant le chemin parcouru, fixant les yeux de mon cœur vers le Seigneur, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être »

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