La religion (catholique) n’est pas une affaire privée

Dans le récent débat, largement tronqué, sur la famille, est revenue sur le tapis à plusieurs reprises l’argumentation selon laquelle les catholiques viendraient se mêler d’une affaire qui ne les concernerait pas vraiment : « la religion est une affaire privée », d’ailleurs « le sacrement du mariage n’est aucunement remis en cause par le mariage pour tous » etc. On peut trouver un écho de cette position dans l’éditorial de Christophe Barbier dans l’Express de cette semaine.

Le caractère privé de la religion catholique me semble une pétition de principe dont ses défenseurs eux-mêmes ne tiennent aucun compte lorsque cela les arrange. Pour le catholique, mais aussi au-delà de lui, cette position n’est pas tenable :

  1. Rappelons que catholique veut dire universel, qui embrasse tout. Non pas au sens d’un césaro-papisme qui voudrait tout régenter, et qui prendrait en défaut le fameux « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », mais en ce sens que, pour le catholique, tout, y compris son agir et donc sa vie publique, procède ou devrait procéder du rapport qu’il entretient avec Dieu.
  2. Dans un article antérieur, j’ai rappelé que certains principes mis en avant dans le débat du mariage pour tous revenaient à nier l’idée de nature, qui est au cœur de la théologie chrétienne, par exemple dans la « loi naturelle ». Cette théologie n’est pas un exercice en chambre auquel se livrerait quelque oisif, mais elle est faite pour inspirer la vie chrétienne, et elle était d’ailleurs au cœur de la formation universitaire médiévale. Comment alors prétendre que le catholique n’est pas concerné comme tel par les questions de société ?
  3. Nombreux sont ceux qui ont noté que plusieurs des propos de l’actuel ministre de l’Éducation nationale (Vincent Peillon, La révolution française n’est pas terminée, 2008) font du principe de laïcité non plus un garant de la liberté d’expression religieuse, mais un véritable principe religieux à lui tout seul, générant une « religion laïque ». Laquelle n’a d’autre ambition que de nourrir une nouvelle société.
  4. Chacun sait que les principes fondamentaux qui régissent nos « sociétés laïques », par exemple ceux de « liberté, égalité, fraternité » que l’on trouve au fronton des mairies, sont nés et restent au cœur de la religion chrétienne : là, nul n’a encore songé à reprocher aux chrétiens de les avoir mis en avant.
  5. Et l’on pense encore au fameux héritage chrétien de l’Europe dont beaucoup, parfois sans trop vouloir l’admettre publiquement, reconnaissent non seulement le bien fondé, mais aussi l’importance « civilisationnelle ».

Il est sûrement possible de continuer à aligner les arguments, mais ceux déjà présentés obligent à reconnaître que, pour ceux qui se réclament du christianisme comme pour ceux qui s’en tiennent à distance, la religion, en particulier catholique, n’a jamais été et n’est pas une affaire privée. Le prétendre n’est qu’affaire d’opportunité pour tenter de se débarrasser des questions gênantes que peut poser la dite religion.

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