Noël : « Instasions-nous » (sur Is 52,7-10 et Jn 1,1-18)

Frères et sœurs, si l’on vous annonçait, comme viennent de le faire les lectures de ce jour, la venue d’un consolateur à Jérusalem, reflet resplendissant de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être, vraie lumière par qui tout s’est fait, vous vous attendriez, comme moi je l’avoue, à voir arriver en carrosse une sorte de prince en tenue éblouissante, entouré d’une flopée de serviteurs, tous attentifs à ses moindres désirs. Eh ! bien c’est raté : ce prince est un petit enfant, déposé dans une mangeoire, né dans une étable parce qu’il n’y avait pas de place à l’hôtel de Bethléem.
Et la vérité du personnage est encore plus compliquée et étonnante. Aujourd’hui on a l’extase facile pour pas grand-chose : « mon Dieu qu’il est mignon ! », « vous avez vu comme il ressemble à ses parents ». Mais voilà : si l’on connaît la mère, l’enfant devra être adopté parce qu’il est inscrit au registre des peuples comme « né de père inconnu ». Alors, on ne peut même pas s’extasier ? Serait-il là le drame de Noël ?


Eh ! bien justement, frères et sœurs, en ce jour de Noël, nous ne sommes pas invités à nous extasier, autrement dit à nous tenir hors de nous, comme le dit l’étymologie du verbe, parce que nous ne trouverons que paillettes et clinquant, mais bien plutôt à rentrer en nous, à faire silence et méditer un mystère qui dépasse l’entendement. Mystère de la grandeur dans la petitesse, de la richesse dans la pauvreté, de la force dans la faiblesse : si aujourd’hui, les Mages, ces personnages quelque peu clinquants, sont encore loin, en revanche les bergers, et avec eux les petits, les méprisés, les oubliés, sont convoqués par les anges et mis à l’honneur.
Ce sont eux dont nous parle l’évangéliste Jean, « ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom,  ceux à qui Jésus donne pouvoir devenir enfants de Dieu » : ils savent lire les signes de Dieu dans le rebut du monde, parce qu’ils sont eux-mêmes les rebuts du monde ou les fréquentent en amis. Les autres, les « grands de ce monde » comme on dit parfois, ceux qui se croient déjà au-dessus de ce monde, ne s’intéressent pas aux étables, et moins encore aux mangeoires : ils ne peuvent donc ni reconnaître Jésus, ni le recevoir.
Et le vrai drame de Noël, frères et sœurs, n’est pas dans la manière dont Jésus est né, mais en cela que s’il n’est pas reconnu aujourd’hui comme Sauveur dans la crèche, il ne le sera pas non plus demain lorsqu’il sera mis en croix : c’est le même abaissement qui caractérise les deux événements, et qui caractérise aussi ceux qui suivent Jésus, qui vivent de son Esprit, que Dieu aime et fait renaître.
Si aujourd’hui, comme les grands de ce monde, nous n’ouvrons pas les yeux sur la crèche, nous ne les ouvrirons pas non plus demain sur la Croix, et nous passerons à côté du vrai salut. Mais où allons-nous la trouver aujourd’hui cette crèche ? L’évangéliste nous l’a dit : « ceux qui l’ont reçu sont nés de Dieu ». Voilà où nous allons le trouver : chez ceux qui sont nés de Dieu, re-nés avec Jésus, en qui Jésus habite. Chez chacun de nous, je l’espère, mais aussi chez beaucoup d’autres autour de nous, grands ou petits, riches ou pauvres, forts ou faibles : une fois encore, l’important n’est pas ce qui se voit, mais ce qui se vit dans le fond des cœurs.


C’est là, dans le coeur, que Jésus prend place aujourd’hui, et c’est là que nous sommes donc invités à le rencontrer. Frères et sœurs, au lieu de nous extasier, « instasions-nous » et adorons, car Jésus a fait sa demeure parmi nous, dans la crèche qui est notre cœur ou celui de notre voisin.

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