Dieu, que ta volonté soit faite ! (Ez 18,25-28 ; Mt 21,28-32)

Frères et sœurs, les lectures de ce jour nous interrogent crûment : serions-nous de ces méchants dont nous parle le prophète Ézéchiel qui refuseraient de se convertir ? Ou bien serions-nous de ces enfants de Dieu qui ne font aucun cas de la parole de leur père ? Mais le simple fait que nous soyons ici ce matin, rassemblés pour cette eucharistie manifeste exactement le contraire. Comment donc entendre ces lectures ?

Dans son contexte d’origine, l’évangile ne visait pas seulement le rapport des bonnes et des mauvaises gens, mais il avait sans doute aussi en vue le rapport Juif/Païen : Jésus met en cause les Juifs, ses interlocuteurs qui, appelés les premiers, tardent à répondre à son appel, et il se réjouit de la réponse apparemment plus prompte des païens. Mais outre que la réalité d’aujourd’hui dans ce domaine est bien différente, il est certain que cet évangile ne nous est plus proposé pour les mêmes raisons : il est bonne nouvelle pour nous aujourd’hui, et il nous faut donc le lire autrement. Je vous propose de nous arrêter sur deux traits qui le caractérisent : d’une part le temps donné, vu sous un double regard, celui des hommes et celui de Dieu, et d’autre part ce que nous pourrions appeler la motivation.

Aujourd’hui comme hier, le temps donné se vit pour nous de manière très paradoxale. D’un côté, dans notre rapport au monde, nous vivons le temps comme fini, nous voulons faire tout vite, nous sommes sans cesse pressés par le temps : tenez, combien de fois ces dernières semaines avez-vous dit « je n’ai pas le temps », ou bien encore « cela fait déjà dix minutes », ou encore « cette homélie ou cette messe étaient beaucoup trop longues » ? Pourtant, dès lors qu’il s’agit de notre rapport à Dieu, nous semblons avoir tout le temps et nous remettons sans cesse à plus tard nos rencontres avec lui ou la mise en œuvre des recommandations qu’il nous propose : avec Dieu, c’est le plus souvent du « on a bien le temps et on verra cela demain ». Urgence d’un côté, indolence de l’autre.

Il est vrai que Dieu n’est pas absolument pressé : pour lui qui est maître du temps, et pour qui, selon un psaume, mille ans sont comme un jour, il n’y a pas d’urgence, et il nous donne tout le temps dont nous avons besoin parce qu’il en est le maître. Et jusqu’à notre dernier souffle, à l’image de cet homme crucifié que l’on appelle le bon larron, Dieu nous accueille dans sa miséricorde : Dieu ne compte pas, comme le rappelle Jean-Noël Bezançon dans un magnifique petit livre, et il ne compte pas plus la miséricorde ou le temps qu’autre chose. Et c’est pourquoi dans l’évangile que nous venons d’entendre, vous aurez remarqué que le père ne fixe aucun délai aux deux enfants.

Puisque Dieu ne compte pas le temps, avons-nous du coup « tout le temps devant nous » ? Bien sûr que non, car si Dieu ne compte pas son temps, le nôtre est compté, et il nous faut faire des choix : Dieu nous attend à sa vigne, autrement dit auprès de lui, dans son Royaume. Ce choix, les deux fils de l’évangile l’ont fait dans deux sens différents sans que Jésus ou l’évangéliste ne soit très clair sur les motivations de l’un ou de l’autre : il nous est seulement dit que le premier « s’est repenti » et a fait la volonté du père. Mais pour qu’il ait regretté de n’avoir pas fait d’emblée cette volonté, il faut que celle-ci lui soit finalement apparue comme bienveillante et bénéfique, que la présence dans la vigne du père soit une chance et non une peine ou un poids. Quelle présence ? À cette question que me posait un frère hier, l’évangile ne donne pas de réponse : l’évangile parle bien de travail, mais cette activité pourrait être celle du goûteur !

Frères et sœurs, la question nous est donc posée à nous aussi : comment allons-nous de notre côté considérer Dieu et son invitation ? Comme celle d’un Père bienveillant, ou bien, comme le pensent tant de nos contemporains, et sans doute le deuxième fils, comme celle d’un tyran ? Et comment voyons-nous Jésus, lui qui, sans aucun retard, a fait cette volonté jusqu’au bout de sa vie : comme un exemple et un frère, ou comme un égaré ? Ces questions sont d’autant plus pressantes que nous redirons ensemble tout à l’heure dans le Notre Père : « que ta volonté soit faite ». Alors, simple manière de parler qui ne nous concerne en rien, ou réponse qui nous engage à nous tourner vers Dieu à la manière du premier des fils, tout disponible à sa volonté sans connaître d’avance ce qu’elle sera, sinon celle d’un père ?

Une réponse à “Dieu, que ta volonté soit faite ! (Ez 18,25-28 ; Mt 21,28-32)”

  1. Il s’agit manifestement d’une homélie  » les lectures de ce jour nous interrogent » ; mais il n’y a aucune indication de ce jour, ce qui est dommage car on on aurait pu voir les lectures d’un coup en consultant le missel ; on peut le faire avec les références donnée s mais ce n’est pas la même chose

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