Brève méditation sur le thème du pèlerinage

Méditation donnée dans le train acheminant les pèlerins du Rosaire à Lourdes (6 octobre 2014)

Chers amis, il vous est sans doute arrivé d »entendre ce genre de réflexion à propos du pèlerinage du Rosaire auquel vous participez aujourd’hui : « mais ce n’est pas un vrai pèlerinage, comme celui qui conduit les pèlerins à St Jacques de Compostelle, vous vous promenez en TGV, vous faîtes du tourisme… ». Mais qu’est-ce donc alors qu’un pèlerinage ?

Abraham, le premier des pèlerins

La figure biblique du pèlerin, en fait le premier des pèlerins peut-être dans l’histoire de l’humanité, c’est Abraham, que la Bible appelle à ses débuts Abram. L’histoire nous est rapportée en Genèse 12: « Le Seigneur dit à Abram : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai ». Juste une remarque qui me servira par la suite : le texte hébreu dit précisément « va vers toi », plutôt que « quitte ». Quoi qu’il en soit, Abram part pour répondre à cet appel inattendu, et quelque peu incongru, du Seigneur : le pèlerinage est né. Il a quatre caractéristiques :

  1. Il s’agit d’une invitation à partir et à quitter.
  2. C’est Dieu qui appelle.
  3. C’est aussi Dieu qui conduit et assure celui qui part de sa présence.
  4. Un but est donné, un pays, une terre (promise), un monde nouveau etc. Mais ce but est inconnu précisément de celui qui part, qui doit donc faire pleine confiance à Dieu, non sans de nombreux aléas, refus, dénis, retours en arrière.

Vous vous rendez donc compte, je pense, que les moyens (à pied, à dos d’âne, en bus, en TGV ou en avion) du déplacement ne sont d’aucune importance : ce qui caractérise le pèlerinage, c’est ce départ pour l’aventure à la demande et sous la conduite de Dieu auquel le pèlerin donne toute sa confiance. Et comme je viens de vous le dire, Dieu invite en fait Abram à « partir vers lui », autrement dit à retrouver en lui ce qu’il veut lui donner : le déplacement peut donc être lointain, mais aussi bien tout proche, conduire en soi. Là encore, sans que le terme soit connu.

Vous qui m’écoutez, vous avez donc la réponse : vous êtes bien des pèlerins.

Le pèlerinage dans l’Ancien Testament

Vous le savez sans doute, cette thématique du pèlerinage a connu un très grand développement, en particulier dans la Bible où il définit la migration du peuple hébreu d’Egypte jusqu’en Terre Promise : appel de Dieu, rassemblement, départ, long passage au désert avec révoltes, gémissements, refus, puis arrivée en Terre Promise.

Et il a connu de nombreux développements, donnant naissance par exemple aux pèlerinages à Jérusalem, avec des prières spéciales pour accompagner les pèlerins : on les appelle les « psaumes des montées », et ils sont numérotés de 120 à 134. Je vous en cite un, le psaume 125, que vous trouverez en page 70 de vos livrets de pèlerinage :

« Quand le Seigneur ramena les captifs de Sion, nous étions comme en rêve ;

2 alors notre bouche s’emplit de rire et nos lèvres de chansons. Alors on disait chez les païens : Merveilles que fit pour eux le Seigneur !

3 Merveilles que fit pour nous le Seigneur, nous étions dans la joie.

4 Ramène, le Seigneur, nos captifs comme torrents au Négeb !

5 Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant.

6 Il s’en va, il s’en va en pleurant, il porte la semence ; il s’en vient, il s’en vient en chantant, il rapporte ses gerbes ».

Les développements de la tradition chrétienne

Mais les développements les plus importants vont se faire dans la tradition chrétienne, héritière de cette sagesse biblique juive. Alors que, dans la tradition juive, le but ultime du pèlerinage reste la terre qui tient donc une place centrale, comme on peut le constater encore aujourd’hui, la tradition chrétienne voit ce but dans un retour au ciel, dans cet Eden des origines que l’homme a dû quitter à la suite du péché, autrement dit dans le Royaume de Dieu dont Jésus, par sa mort, a rouvert les portes.

C’est ainsi que Jésus dira à Pilate : « mon royaume n’est pas de ce monde », et que saint Paul, en Ph 3,20 dira avec non moins de clarté : « notre cité est dans les cieux ». Pour eux, pour nous donc à leur suite, aucune terre ne peut constituer le terme du pèlerinage, et toute la vie est un grand pèlerinage vers le ciel. La terre, notre terre, n’est pas négligée, mais elle n’est qu’un moment, un lieu où s’apprennent et se prennent les moyens de rejoindre le Royaume.

Il existe donc un grand pèlerinage, qui est celui de la vie, et de multiples pèlerinages de toute sorte, vers Jérusalem, Rome, Lourdes ou plus près de nous encore, en nous, qui sont des préparations à ce pèlerinage de la vie. En venant à Lourdes, nous ne visons pas un but ultime, nous faisons étape, nous répondons à un appel de Dieu qui veut nous montrer autre chose, un autre pays que nous découvrons et approfondissions, qui s’appelle, selon les situations et les personnes, prière, charité, amitié, réconciliation, vie intérieure….

La vie liturgique, école de pèlerinage

Je vous parlais des développements que la vie chrétienne a donnés à la thématique du pèlerinage, et il en est un moins connu que je voudrais rappeler ici : la vie liturgique. Elle contribue notablement elle aussi à nous situer dans la dynamique du pèlerinage, et je m’en explique.

Par vie liturgique, j’entends tout à la fois célébrations sacramentaires, mais aussi offices canoniaux (laudes, vêpres etc.). Il me semble que l’on ne remarque pas suffisamment que le thème du pèlerinage structure leur déploiement. Et je vais singulariser l’eucharistie, à titre d’exemple, mais le schéma que je vais mettre au jour se retrouve, à quelques variantes près, dans toutes les célébrations liturgiques :

  1. On commence en se rassemblant à l’appel de Dieu.
  2. La première étape consiste à se charger du minimum nécessaire à la route, et donc, a contrario, à abandonner sur le bas-côté le poids de son péché.
  3. Suit la mise en route, pendant laquelle on s’alimente à partir de la parole de Dieu, Ancien et Nouveau Testament.
  4. La pause est celle de l’homélie, qui est souvent un rappel du but et des moyens mis à la disposition du pèlerin.
  5. Le sommet de la célébration se trouve dans la communion, le partage du pain et du vin, autrement dit du corps et du sang du Christ, prémices de la communion éternelle, viatique pour la route.
  6. Et l’on revient sur la route, comme les disciples redescendant de la montagne de la Transfiguration, pour la continuer.

Il faut dire et redire, mais cela se conçoit bien, que la célébration en question n’est pas un achèvement, mais une étape pour apprendre à bien marcher sur une longue route qui est celle de la vie : c’est un peu ce que Jésus dira à ses disciples en redescendant du Thabor.

Conclusion

Chers amis pèlerins, vous voilà bientôt arrivés à Lourdes pour entamer votre pèlerinage : sans doute, à bien des égards puisque vous avez quitté vos familles, vos amis, vos lieux d’habitation, s’agit-il d’un déplacement important, porteur d’espoir. Mais je souhaite à chacun de vous qu’il s’accompagne d’un pèlerinage intérieur, vers la source divine qui vous habite , dans cet espace secret où Dieu vous attend.

Alors, quand vous serez de retour chez vous, vous pourrez dire, à la suite des disciples d’Emmaüs, pèlerins eux aussi : « Notre coeur n’était-il pas tout brûlant quand Jésus nous parlait… en chemin ? »

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