Faire-part de Noël

 

Crèche du couvent de Lille
Crèche du couvent de Lille

Sur Is 52,7-10 ; He 1,1-6 ; Jn 1,1-18

Frères et sœurs, si les lectures de la messe de la nuit ont dû faire la joie des enfants et de leurs parents, et plus largement de chacun de ceux qui ont gardé une âme d’enfant, j’ai le sentiment que celles de la messe du jour doivent nous paraître à tous quelque peu austères : on est en effet passé de l’enfant de la crèche au Seigneur des cieux, contemplé depuis son origine et avant même la création du monde. L’ambiance n’est évidemment pas la même, plus distante et méditative, mais il faut le dire : si un bébé dans son berceau est toujours émouvant, on voudrait aussi discerner en lui autre chose que des mèches blondes ou brunes et entendre autre chose que des gazouillis. Et l’enfant de Bethléem, fût-il le plus beau parmi les enfants des hommes, n’aurait rien eu à nous dire et à nous apporter s’il n’avait été qu’un enfant parmi beaucoup d’autres, porteur sans doute de qualités humaines mais rien d’autre qu’humaines…

Ce n’était pas le cas, et  voici qu’Isaïe, l’auteur de la lettre aux Hébreux ou l’évangéliste Jean, complètent le faire-part de Jésus, fils de Marie et de Joseph ! Ils font plus que le compléter, ils l’allongent considérablement, et je vais être obligé de faire un tri en prenant nos trois auteurs dans le désordre : l’auteur de la lettre aux Hébreux nous dit qu’il est l’expression parfaite, littéralement (et ne me regardez pas avec de gros yeux) « l’effigie de la substance » du Père, saint Jean qu’il est lumière, et Isaïe qu’il est porteur de paix.

Première ligne du faire-part, Jésus est l’expression parfaite de l’être du Père. Littéralement, je vous le disais, il s’agit de l’effigie de la substance, autrement dit du rapport qui existe entre l’empreinte et son origine : relation unique et très étroite, qui exprime que Jésus est bien le Fils de Dieu, né du Père. La Vierge Marie le savait dès l’Annonciation, l’enfant Jésus ne serait pas un enfant parmi d’autres, mais celui-là qui pourra dire plus tard en vérité face à Thomas l’Apôtre : « qui m’a vu a vu le Père ». Ou bien encore : « le Père et moi, nous sommes un ». Et c’est une chance formidable pour nous qu’il en soit ainsi : Dieu en effet, personne ne l’a jamais vu, et l’on peut s’en faire d’innombrables représentations, des plus belles aux plus perverses, et les hommes ne s’en privent pas, aujourd’hui encore tout autour de nous. Mais Jésus nous dit qui est le Père, et il nous le dit dès sa naissance : il est celui qui se penche vers l’homme, qui en prend la condition, qui se fait petit pour leur salut.

Deuxième ligne du faire-part : l’enfant de la crèche apporte la lumière. Chacun de nous croit sans doute déjà connaître la lumière. Mais en réalité, nous n’en connaissons que des versions affaiblies car la lumière transmise par Jésus est celle qui se trouve en Dieu lui-même, une réalité tellement forte et éblouissante que Moïse était forcé de se recouvrir le visage après avoir rencontré Dieu face à face. Cette lumière ne s’arrête pas à la chair, elle dit le plus profond de l’homme, elle consume son cœur, et la tradition biblique exprime cette force particulière en affirmant que « nul ne peut voir Dieu sans mourir ». Mais nous, nous pouvons maintenant voir Dieu face à face en Jésus, et lui peut nous regarder et nous partager sa vie sans que nous en mourions. C’est encore une chance pour nous qu’il en soit ainsi : car en lui nous vivons déjà d’une autre vie, nous resplendissons d’une autre lumière, toutes deux éternelles et jusque-là cachées aux hommes.

Et voici la troisième ligne du faire-part : Jésus porte la paix. Et vous vous demandez sans doute : peut-on vraiment affirmer cela face à toutes les terribles violences de notre monde ? Mais oui, toute la vie de Jésus en témoigne, jusqu’à son procès devant Pilate et à sa mort même : il vient renverser les puissants de leurs trônes, élever les humbles, donner au monde la paix. Pas n’importe quelle paix, mais celle qui vient de Dieu et qui ne se réduit pas à un subtil et fragile équilibre entre des forces antagonistes, jamais rassasiées : à la différence de tant de prophètes auto-proclamés, Jésus n’a jamais porté d’autres armes que celles de la vérité et de la justice, il n’a jamais eu aucun lien avec les forces de mort. Par Jésus et en Jésus, se trouve donc déjà pour nous la paix véritable, celle du Paradis que nous avons perdue après la faute de nos pères, celle que nous aspirons à trouver toujours plus sur notre terre.

Expression parfaite de l’être de Dieu, vraie lumière, vraie paix : chers amis et membres de la famille de Jésus, le faire-part est complet ! Mais l’enfant ne court-il pas un risque, celui de ne pouvoir être lui-même pour avoir été trop programmé ? Il n’en est rien parce que ce programme n’est pas celui de ses parents de la terre, Joseph et Marie, qui n’en attendaient sans doute pas tant, mais celui que Dieu a mis au cœur de l’enfant justement pour qu’il nous soit révélé et partagé : que Dieu soit donc béni pour Jésus, véritable enfant de notre terre mais aussi, et inséparablement, vrai Dieu du ciel !

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