Vive la décroissance !

DécroissanceSur Romains 16, 3-9.16.22-27 et Luc 16,9-15

Frères et sœurs, chers amis, la question de la décroissance fait la une des revues et des journaux, et le plus souvent pour une raison précise : le sentiment, ou la certitude, que les ressources de notre terre sont limitées et ne peuvent continuer à être exploitées de manière déraisonnable. La question fait l’objet de débats, mais notre pape François est très favorable à cette décroissance dans son encyclique Laudato Si. Dont je me demande s’il n’est pas un de ces écrits prophétiques révélant un mystère, tel qu’évoqué dans notre première lecture.

Vous vous demandez sans doute pourquoi j’évoque ce thème qui ne se présente pas tel quel dans nos lectures bibliques, mais je crois qu’il les rejoint. Dans l’évangile en effet, Jésus nous met en demeure de choisir entre Dieu et l’Argent, et l’on peut se demander ce qui les oppose fondamentalement, alors qu’ils ont plutôt l’air de se ressembler, orientés tous deux vers la croissance : je choisis l’argent pour en avoir plus encore, toujours plus, ou je choisis Dieu pour être plus près de lui, toujours plus.

Mais vous l’avez tous compris, l’apparence est trompeuse : si le moteur du monde de l’argent est bien la croissance, voire même l’accaparement, sans aucun égard pour les autres et l’environnement, comme le montre justement très bien l’encyclique Laudato Si, le moteur du monde divin est tout autre, justement de l’ordre de la mesure et même de la décroissance. Souvenez-vous : « Jésus, de riche qu’il était, s’est fait pauvre » ; ou encore : « il s’est anéanti lui-même, prenant la condition d’esclave ». Ou Jean-Baptiste disant : « il faut que Jésus croisse et que moi je diminue ». Sans parler de cette tradition juive selon laquelle Dieu a créé le monde en se retirant de lui-même. L’humilité, la pauvreté, le respect des autres et de la création sont les maîtres-mots du monde divin comme de la décroissance.

Il est peut-être là le mystère révélé dans l’encyclique, à savoir que ce n’est pas seulement pour une question d’épuisement des ressources naturelles que les chrétiens sont invités à vivre la décroissance, mais parce que celle-ci est dans un certain sens constitutive de la vie chrétienne. Du coup, ne sommes-nous pas conduits à jeter un autre regard sur les différents appauvrissements dont nous sommes les témoins ou même les victimes ? Je ne m’en réjouis pas, mais quand l’Église se trouve moins riche, quand sa voix paraît être difficilement entendue, quand nos assemblées chrétiennes ou nos communautés religieuses sont moins nombreuses, quand nous sommes invités à consommer moins et souvent mieux les produits de toutes sortes qui nous sont offerts, nous pouvons nous plaindre, regretter le bon vieux temps où tout était si merveilleux, où nous n’avions pas à compter, mais nous pouvons aussi nous demander si le Seigneur ne nous offre pas là des occasions de vivre notre vie autrement, de nous tourner avec plus de force et d’engagement vers lui pour en faire notre seul appui.

Dieu a donc choisi pour lui, pour Jésus, et pour nous une certaine forme de décroissance, et nous n’avons pas à nous en affliger : pour cette première raison que cela nous aide à nous tenir à distance de l’idolâtrie de l’argent, et pour cette seconde raison qu’elle est la meilleure manière de laisser place à l’autre, et à cet autre qu’est Dieu lui-même.

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