Le défi du lavement des pieds

lavement des piedsHomélie sur l’évangile de Jean chapitre 13, à l’occasion du Jeudi-Saint

Frères et sœurs, on vous l’a déjà dit ou vous l’aurez remarqué depuis longtemps, à la différence de Matthieu, Marc ou Luc, l’évangéliste Jean ne nous transmet rien des gestes et paroles de Jésus concernant le pain et la coupe du repas pascal, mais il fait passer au premier plan un lavement des pieds dont les autres évangélistes à l’inverse ne disent rien : qu’est-ce qui peut l’avoir motivé en ce sens ? Sans doute pas un défaut de connaissance, tant l’évangéliste Jean est reconnu aujourd’hui pour être très informé et précis sur les paroles et les gestes de Jésus. Alors…

Si l’on s’en tient à ce que nous rapportent les évangiles que l’on dit synoptiques, Matthieu, Marc et Luc, Jésus a probablement innové ou même révolutionné la liturgie juive habituelle de la Pâque. En effet, les recommandations du livre de l’Exode sont claires, la Pâque est un rappel de la sortie d’Égypte, que l’on évoque à partir de questions rituelles, et dont on souligne la dimension libératrice et politique. La Pâque que Jésus propose à ses disciples obéit à un tout autre rituel, il n’y reprend aucune des questions traditionnelles, il instaure une Pâque nouvelle : en premier lieu parce que l’Agneau est maintenant Jésus lui-même ; en deuxième lieu parce que la libération n’est plus directement politique, elle est libération du péché pour tous ceux qui croiront en lui.

Mais alors que les évangiles synoptiques nous donnent en quelque sorte les détails du nouveau rituel, la manière dont elle fut célébrée par Jésus et dont nous la célébrerons encore tout à l’heure, Jean va s’intéresser à remplir le temps entre les célébrations en proposant un modèle de vie dont les disciples seront invités à se souvenir : aux pieds de leurs frères. C’est la situation de l’esclave, mais un esclavage volontaire que saint Paul décrira en ces termes : « libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, afin de gagner le plus grand nombre » (1 Corinthiens 9,19).

Saint Jean ne dit pas autre chose : « Jésus aima ses disciples jusqu’au bout ». Ce « jusqu’au bout », parfois traduit « jusqu’à la fin », pourrait nous faire penser que Jésus n’a aimé ses disciples et n’est resté à leurs pieds que le temps de sa vie terrestre : il n’en est rien bien sûr, il les a aimés jusqu’au bout de l’amour, jusqu’à la plénitude de cet amour comme la thématique s’en trouve dans le terme grec employé, y compris donc comme il le montrera avec saint Pierre ou saint Paul, dans les reniements ou les infidélités de ses disciples.

Voilà ce modèle que Jésus a vécu avec ses disciples et qu’il nous propose de vivre avec nos frères. Oh ! pas tant par des gestes extraordinaires que nous ne pourrions vivre dans la continuité, mais en saisissant toutes les occasions de nous jeter à leurs pieds par amour. Pas seulement les pieds de ceux qui nous veulent du bien et que nous serions prêts à baiser cent fois, mais aussi les pieds de tous les Judas de la terre comme ceux de Judas Iscariote. Mais alors, me direz-vous, Jésus nous inviterait-il à nous jeter aussi aux pieds de bourreaux tels que ceux de Daech ? La réponse est oui parce que l’amour ne saurait avoir de limites ; mais aussi parce que le service de nos frères qu’exige l’amour ne consiste pas nécessairement à les serrer dans nos bras, mais aussi bien et quelles qu’en soient les difficultés à les reconduire vers la vérité, au risque parfois d’être piétinés par eux dans leurs errements.

Il est sûr que c’est un modèle très exigeant. D’une exigence qui pourrait bien avoir motivé la réaction de Pierre. L’évangéliste la présente comme une incompréhension, mais ne serait-elle pas tout autre chose ? Une prise de conscience vive et simultanée des exigences et risques que présente cet amour, et de sa propre faiblesse. Un défi que Pierre sait déjà ne pouvoir soutenir comme il le manifestera lors de son reniement, et que seul le don de l’Esprit pourra lui permettre de dépasser le moment venu : pour lui comme pour nous aujourd’hui.

Frères et sœurs, le défi du lavement des pieds nous tourne déjà vers la Pentecôte !

Une réponse à “Le défi du lavement des pieds”

  1. Un peu d’humour :
    Jésus est Serviteur l’Envoyé , l’Humilité incarnée. En lavant les pieds, genoux au sol,( comme Jésus), reprenons le geste à notre actif, et trouvons « le talon d’Achille  » des uns et des autres , pr le restaurer dans la dignité, par miséricorde…

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