Victoire pour Jeanne d’Arc ?

jeanne d'arcJeanne d’Arc a-t-elle gagné, les Anglais sont-ils boutés hors du « Royaume » ? Pour autant qu’on puisse en juger, Jeanne n’y est pour rien, nos amis anglais se sont chargés eux-mêmes de leur sortie, et certains ajouteront qu’ils s’y étaient préparés depuis longtemps tant ils avaient travaillé à ménager leur indépendance, ne serait-ce qu’au plan monétaire. Je ne suis pas dans le secret de Dieu, je ne sais pas ce qu’il va advenir du Royaume Uni (quoique pour l’heure très divisé) en dehors de l’Union européenne ou de l’Union européenne sans le Royaume Uni, mais si des troubles de différentes natures sont à prévoir, je n’arrive pas à me sentir catastrophé : simplement préoccupé.

Ce désengagement anglais, qui prélude peut-être à d’autres, me semble en effet d’abord sonner comme un avertissement beaucoup plus que comme un échec, voire un tsunami (les grands mots sont à la mode). Nous nous retrouvons avec l’Europe d’aujourd’hui dans une réflexion à reprendre sur l’équilibre entre le centre et la périphérie : les institutions européennes apparaissent décidément lointaines, et nombre de décisions sont prises désormais sans que les bases nationales, et a fortiori régionales, aient eu leur mot à dire. Lorsque j’entends certains prôner un renforcement de ces institutions, une intégration plus poussée, je reste dubitatif : il me semble qu’il faut plutôt travailler à harmoniser ce qui existe déjà avec des politiques régionales ou nationales plus développées.

Je pense à mon pays, la France : le centralisme y a toujours été une tentation forte, géographie aidant : prochainement, pour me rendre à Tours depuis Montpellier, dans des délais raisonnables, je vais devoir passer par Paris… Et quand un journal national teste les chaussons aux pommes ou les pizzas d’une ville, c’est exclusivement de Paris dont il sera question. Dès lors, il importe d’équilibrer cette prééminence par une régionalisation réelle, où de vrais pouvoirs s’exercent : la création des départements, puis celle des régions allait sans doute dans ce sens. Récemment, pour des raisons multiples, on a voulu revenir à des régions plus grandes, et largement artificielles :  je continue de me demander s’il n’aurait pas plutôt fallu remettre en question l’échelon départemental…

Mais peu importe, il est trop tard actuellement. En revanche, ce qui reste et restera toujours d’actualité, c’est l’équilibre entre le centre et la périphérie : il faut sans cesse y veiller, travailler à le revoir. Et cela, je ne suis pas du tout sûr que les institutions européennes s’en soient suffisamment préoccupées : la centralisation est de rigueur, et elle ne touche plus seulement les domaines économique, politique, mais aussi juridique, culturel, éthique etc. Comme chrétien, je pense à ce que représente la vie trinitaire : une unité dans laquelle chaque membre existe totalement comme personne. Le risque est grand à l’inverse qu’à l’exemple de l’ONU pour le général de Gaulle, les institutions européennes deviennent un « machin » : c’est sans doute déjà fait.

Et je suis persuadé que ce que je ressens là, moi l’européen de cœur, est largement partagé. Jeanne, il n’est pas sûr que tu te réjouisses aujourd’hui parce que les Anglais ne sont pas tes ennemis, ils étaient seulement ceux de ton pays : ne pourrais-tu intercéder auprès du Père du ciel pour que, plutôt que de rejeter nos amis anglais et d’autres peut-être après eux, l’Europe devienne un peu plus unitaire, mais à l’image de la vie trinitaire, dans une communion vraie qui laisse toute sa part d’autonomie aux régions et aux personnes ?  Finalement pour que l’Europe ne soit pas un machin, mais un corps.

5 commentaires à propos de “Victoire pour Jeanne d’Arc ?”

  1. N’ayant aucune dévotion à Jeanne d’Arc, je ne la solliciterai pas mais j’apprécie grandement ta réflexion, y compris sur les régions françaises et leur articulation avec les départements.
    Habituée à naviguer sur de grandes échelles temporelles, je vois que le balancier continue à bien fonctionner : regroupement (ici, Europe), morcellement. Aucun bloc (de l’Est, colonial, etc.) ne dure très longtemps. Tôt ou tard il éclate. Puis on rêve de nouveau d’alliance (au mieux), de conquêtes (au pire) et on reforme des « supra/super » nations qui éclateront.

  2. J’ai personnellement une vision un peu différente : le départ de l’Angleterre est de nature à resserrer l’identité de ceux qui restent, donc de nature à relancer une construction en panne depuis longtemps… L’Europe s’est construite sur une logique purement marchande : un libre échange, puis une monnaie unique sans que la BCE joue le rôle d’une banque centrale, une libre circulation des travailleurs sans que les règles de délivrance des diplômes et de salaire minimum soient harmonisées, aucune union militaire, culturelle – sauf Erasmus – politique sécuritaire – sauf le mandat d’arrêt européen et un droit de poursuite dans le cadre de l’espace Schengen aucune harmonisation sociale fiscale budgétaire, démographique, scientifique, industrielle et de recherche. Bref la panne provient d’une construction sans soubassement culturel, à laquelle plus grand monde n’adhère : désenchantement du monde, diversité des peuples et des langues.. Impossible de construire là dessus. Donc c’est positif pour l’Europe que l’Angleterre parte…

    • J. P.,

      Vous l’exprimez différemment de moi, certes, mais je ne suis pas sûr que nous soyons tellement divergents sur le fond : il me semble que pour vous comme pour moi, il y a inadéquation entre ce que propose l’Europe et ce que les européens en attendent. Et vous insistez sur ce qui devrait et pourrait encore être fait, quand je souligne plutôt que ce qui a déjà été fait n’est pas vraiment reçu… Vous pensez que l’identité européenne risque de se raffermir, moi je me demande où elle se situe actuellement.
      Bon, c’est ce que j’entends en vous lisant. Maintenant, il est sûr que l’Europe est une belle œuvre, mais malade, et le diagnostic est encore difficile à poser : chaque contribution est bonne. Merci pour la vôtre qui me fait réfléchir.

  3. Merci, cher frère Hervé, de ta « méditation » sur le Brexit. Je me permets de te répondre un peu « à chaud », pas de colère mais d’une stupéfaction totale. Depuis 42ans je vis en Europe, d’abord en France et maintenant en Belgique.
    Tu dis « qu’ils s’y étaient préparés depuis longtemps ». Puisses-tu avoir raison, mais j’ai plutôt la désolante impression qu’ils n’ont rien préparé! La question de différence de monnaie n’est qu’un leurre, que ce soit la Livre anglaise ou l’Euro. Je pense à l’époque de mon adolescence (qui n’est ni d’hier ni d’il y a des siècles) quand nous suivions avec intérêt le développement du Benelux vers les Six, et parallèlement, l’EFTA, dans l’espoir de faire partie de l’un et de l’autre.
    Tu as bien raison d’insister sur la notion « centre-priphérie ». Sans donner raison à ceux de mes compatriotes qui ont voté « OUT », je dois avouer que quand on habite sur une île, d’autres pays sont « loin ». Il y a toujours un espace – la mer – qui sépare. Si pour des Français de Paris (je ne parle pas de Montpellier car là, évidemment, il y a bien des kilomètres) « Bruxelles (l’EU) est loin, pour les Anglais, « Bruxelles » est davantage « lojn ». Et cette terminologie ne fit qu’une chose – fournir des arguments aux parties souverainistes. Ces partis dits « nationalistes » sont un danger majeur dans la situation actuelle. Le discours populiste, qu’il soit de Nigel Farage ou de Marie Le Pen – se sert d’un vocabulaire en apparence « patriotique » – les mots « la nation, le peuple, chez nous » – mais qui dans le contexte de mondialisation sont vides de sens, ou plutôt, cachent la vraie idéologie de ces partie – « l’isolation, la pensée unique, les frontières ». Oui, l’UE s’est égarée dans un esprit de « finance-rigueur-compétivité » en oubliant « travail-social-solidarité ». Mais cela ne constitue pas une raison pour opter « OUT ». Les meilleures réformes viennent de l’intérieur. Mon pays s’est égaré à cause de l’ambition politique personnelle de quelques-uns; aujourd’hui, le pays s’est réveillé KO debout – « Qu’avons-nous fait? » Personne ne sait comment va dessiner l’avenir. Il suffit d’écouter les discours doloristes et hypocrites de nos politiciens soit belges soit français qui, maintenant, au soir « du jour après », commencent à se demander s’il n’y avait pas des réformes à effectuer au sein de l’UE.
    Merci, cher frère Herve, de cet espace de parole; veuille excuse ce qui peut paraître amertume mais cherche à exprimer la déception et le désespoir après 50ans de vie faite de « petits pas », d’efforts quotidiens vers une Europe solidaire. Aide-nous à réaliser ta perception profonde d’une politique « unitaire mais trinitaire, chaque membre existant totalement comme personne ».

  4. BONSOIR Hervé, merci de ton analyse; oui l’Europe est trop loin , on ne sait pas ce qu’on y décide et les politiques se défaussent lâchement sur elle pour raser gratis; ceci dit l’Europe est d’une déficience absolue et grave sur le plan de la communication ; alors que n’importe quel gouvernement ou mouvement politique passe son temps à commenter ce qu’il fait ou veut faire ou devrait faire, je n’ai jamais entendu un fonctionnaire ou député européen commenter ce qui se fait; je trouve indispensable de rédiger un abrégé montrant ce qui a été construit concrètement et ce que nous avons grâce à l’Europe que nous n’avions pas avant; par pays et par thème et sous-thème.
    chacun se sentirait redevable,concerné, impliqué et c’est la base pour adhérer et participer;
    Laurent

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