L’hospitalité et ses exigences

hospitalite_abrahamHomélie pour le 16e dimanche ordinaire, sur Gn 18,1-10a et Lc 10,38-42

Mes sœurs, chers amis, il est possible de discuter des heures, ou des pages, sur les torts et les mérites respectifs de Marthe et de Marie, sur ce que veut dire « la meilleure part », sur son aspect contingent ou non en fonction des circonstances, sur le fait de savoir si chacun de nous est Marthe ou Marie ou les deux, tout cela a été fait, et je ne le ferai pas : pour l’excellente raison que cet évangile est mis aujourd’hui par la liturgie en lien avec le fameux passage de l’hospitalité d’Abraham, et que c’est donc de cette hospitalité qu’il nous faut aujourd’hui traiter.

Vous aurez sans doute remarqué que, dans le récit de la Genèse, les visiteurs ne demandent rien, c’est Abraham qui va sans cesse vers eux et devance leurs désirs. Une telle attitude, me direz-vous peut-être, montre qu’Abraham n’avait… rien d’autre à faire, ou bien qu’elle est conforme à la tradition nomadique, mais en même temps, elle est je crois le signe d’une disponibilité de cœur : s’il est vrai que, dans le désert, les visiteurs sont rares, ils ne sont pas pour autant guettés. Abraham manifeste en la circonstance une belle attention. Marthe et Marie aussi d’ailleurs, et chacune à sa manière.

Je vous le disais en outre, Abraham devance les désirs de ses visiteurs. Ce qui peut être dit d’une autre manière : « il ne se met pas en avant ». Pensez à des rencontres récentes, pensez à la manière dont plusieurs des convives, vous-mêmes peut-être même si j’espère que ce ne fut pas le cas, n’ont cessé de se mettre en avant, de tout ramener à leur propre personne, et vous conviendrez que ce ne fut pas le cas avec Abraham, et que c’est important pour la qualité de l’accueil. Si j’en viens maintenant à Marthe et Marie, c’est ici à mon sens qu’elles se séparent : certes, toutes deux ont cherché à devancer les désirs de Jésus, et je suis sûr qu’au bout du compte, Marie et Jésus ont apprécié de « se mettre quelque chose dans le ventre », mais par le reproche que Marthe a adressé à sa sœur, elle a mis en avant son service aux dépens de celui de sa sœur.

Le prix d’une telle disponibilité, d’une telle justesse, si tant est que l’on puisse parler de prix comme si une récompense avait été cherchée alors que la gratuité doit s’imposer, c’est toujours un don de Dieu, sa présence : don d’un héritier pour Abraham, don de Jésus lui-même, la meilleure part, pour Marthe et Marie car on ne peut les dissocier. Et il en va ainsi de toutes nos rencontres, dès lors qu’on est attentif, qu’on ne s’impose pas, qu’on laisse de l’espace dans nos mains vides : elles se remplissent d’un inattendu pour nous, qui dit quelque chose de Dieu et de sa générosité.

J’ai parlé de toutes nos rencontres, et nous sommes en train d’en vivre une au cœur de notre eucharistie : rencontre entre nous, mais aussi pour chacun de nous avec le Seigneur. Gardons nos cœurs et nos mains ouvertes afin que, directement ou indirectement, par les mains, les paroles, les gestes de nos frères, le Seigneur vienne les remplir à la mesure sans mesure de son amour et nous permettre d’en remplir d’autres.

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