Satan, prince des ténèbres

Tristesse. Goût de cendres au lever ce dimanche matin, les nouvelles tombent, toujours les mêmes : 50 morts à Alep, presque comme chaque jour maintenant et sans que plus personne ne semble vraiment s’émouvoir, des civils qui n’ont pu fuir la pluie de bombes pour l’immense majorité ; 10 morts là-bas au Nigéria, où Boko Haram poursuit son entreprise de tuerie systématique ; 5 morts là aux USA, où la vente libre des armes continue son ravage… Et je ne parle pas que des guerres avec leur cortège de morts : tout près de nous, sans entrer dans le détail qui conduirait sans doute d’ailleurs à renvoyer chacun dos à dos, le débat politique peine à toucher au cœur, quand il ne nous invite pas à la plus grande morosité. Les grandes causes susceptibles d’enthousiasmer paraissent bien loin. On cherche en vain de quoi se réjouir, de quoi fêter la vie, la Résurrection du Christ, et la mort et sa croix seule émergent.

diablotinRécemment, en recevant pour une messe la famille du père Jacques Hamel, assassiné, le pape François, à la suite du martyr qui l’avait lui-même évoquée, a fustigé l’action de Satan, et certains commentateurs, surpris, se sont demandés si cette référence n’était pas dépassée : qui peut croire à Satan aujourd’hui ? Pour ma part, dans mon récent livre sur le Combat spirituel, j’ai expliqué qu’il était certes trop facile de le voir partout et de considérer telle ou telle vie, la nôtre peut-être, comme le prolongement immédiat et constant du combat de Jésus dans le désert. Pour autant, il me semble vain de nier la présence d’un « artiste » du mal dans notre monde, d’un générateur de tristesse ou de désespoir : qu’on le représente sous la forme d’un serpent ou d’un « diablotin » rouge avec trident et grande queue, il est là. En ceci, je ne fais que suivre C. S. Lewis et son fameux ouvrage, Tactique du diable. C’est d’ailleurs ce que rappelle aussi le théologien Adolphe Gesché dans son ouvrage sur le Mal. Mais le bien est là lui aussi, quelque part… Et peut-être que le plus grand mal que l’on puisse faire au Mal serait de relever les manifestations de ce bien, et mieux encore d’y contribuer.

Récemment, alors que je m’étonnais devant mes frères dominicains que si peu de journaux ou de revues fassent place à l’expression de ce bien, on m’a d’abord rappelé, de manière très générale, que nous n’étions plus au temps des Trente Glorieuses, qu’en France le temps des bonnes nouvelles en continu était peut-être passé. D’autres m’ont fait ensuite remarquer que les revues, qu’elles soient hebdomadaires ou mensuelles, avaient l’avantage sur les journaux de pouvoir lire ce monde avec plus de distance, que la fameuse « actualité » pouvait donc y être différente et plus « heureuse » : tout cela est vrai. Comme il est vrai aussi qu’une certaine actualité, par exemple celle de la signature d’un accord entre le gouvernement et la rébellion des FARC en Colombie, peut aussi être porteuse d’espérance…

Alors, oui, faire surgir le bien, ou plus simplement le montrer : mais comment s’y prendre ? Nul ne s’étonnera que je pense à la prière, moins la mienne que celle de Jésus, moins mes mots que les siens, puisque Jésus est seul à pouvoir attaquer Satan en face. Mais, tant il est vrai que Dieu ne nous laisse pas seul et travaille avec nous et par nous à la Résurrection de notre monde, il importe aussi de convier l’Esprit pour nous apprendre à lire et partager ce bien qui ne fait pas de bruit et ne pas se laisser étouffer trop facilement par ce bruit qui ne fait pas de bien. Et enfin, si l’actualité n’est pas bonne, peut-être pourrions-nous la faire, cette actualité : en donnant un peu de nous-mêmes dans tel service rendu, en manifestant une attention particulière à l’autre, en évitant telle calomnie, en travaillant à la réconciliation de deux parties qui s’écharpent, en refusant tel jugement discriminatoire… En aimant tout simplement.

A la réflexion, je me demande si la force, comme la faiblesse, du bien n’est pas d’avoir des expressions multiples et peu bruyantes quand le Mal n’en a qu’une et très sonore, la mort.

Une réponse à “Satan, prince des ténèbres”

  1. Merci Hervé.
    J’espère que tu vas bien et que ta santé est bonne.
    Je viens de lire le livre de ton jeune confrère Adrien Candiard:
    « Veilleur, où en est la nuit »
    Je trouve sa vision de l’espérance très accessible et motivante, pour:
     » transformer tous les événements de notre vie , en occasion d’aimer.
    C’est reproduire au quotidien le miracle de Cana. C’est changé l’eau de la vie ordinaire en vin de vie éternelle  »
    Espérant te revoir bientôt.
    Amitiés.
    Jean Duforest.

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