La grande peur du vide !

Le vide fait peur. Je ne parle pas de ce vide qui génère le vertige, et auquel je suis particulièrement sensible, mais de ce vide que représentent le silence, l’inactivité, ou parfois la distance. Et c’est ainsi que, devant rendre compte dans un entretien récent de mes « activités », il m’a fallu avouer que mes journées n’étaient pas remplies et… que je ne souhaitais pas du tout qu’elles le soient afin de pouvoir répondre à des demandes ou des visites inattendues ou même… afin de ne rien faire. Ces derniers mots risquent de choquer tant aujourd’hui nous sommes engagés dans des courses folles dans lesquelles ce vide paraît un luxe ou un désordre. Quelle méprise, il est le plus souvent pour celui qui y fait face source d’angoisse, et la tentation de le combler aussi vite que possible est extrêmement forte : c’est le cas chez moi… et pourtant je le recherche.

Cabanons serrés

D’ailleurs voyez, écoutez : difficile de rentrer dans un magasin, et je ne parle pas seulement de grande surface, sans qu’une musique plus ou moins agressive ne vous chauffe les oreilles ; difficile de prendre le train ou le métro sans constater que la moitié, et souvent bien plus, des voyageurs ont un casque sur les oreilles, quand d’autres ne hurlent pas dans leurs téléphones ; difficile de trouver un restaurant, sauf s’il est super-chic et super-cher, dans lequel les tables ne soient pas collées les unes aux autres, apparemment pour des questions de rentabilité mais peut-être pas seulement ; difficile de choisir de vivre une journée seul, à moins d’y être contraint par le célibat ou un côté ours…. Et je pourrais ainsi multiplier les exemples du « syndrome de la page blanche ou de l’espace blanc », y compris en informatique où l’apparition d’une page 404, autrement dit d’une page d’erreur, est profondément angoissante et doit être, autant que possible, proscrite.

Non, le vide ne s’offre pas d’abord comme un luxe ou un désordre, mais comme une peur. Pourtant, ce même vide, lorsqu’il est assumé, représente aussi et surtout une chance et même une grande chance. Déjà parce qu’il permet de se « poser » vraiment, de réfléchir, d’ordonner ses idées, de décrocher de la confusion ambiante. Ensuite, parce qu’il donne de l’importance aux mots, aux événements, aux rencontres : je me souviens avec émotion que, lorsque j’étais étudiant, j’avais l’habitude de discuter avec un ami très « posé », avec qui une heure de rencontre aurait pu tenir en un quart d’heure ; mais les mots échangés prenaient alors une importance surprenante. Dans le même ordre d’idée, je pourrais aussi évoquer les œuvres poétiques de jeunesse d’un frère dominicain dans lesquelles le blanc faisait ressortir le noir, autrement dit l’écriture rare et largement espacée au long des pages.

Mais aussi et surtout le vide donne à l’imprévu et à la nouveauté, et « au divin », de se manifester dans nos vies. Une amie me faisait remarquer, il y a fort longtemps, cette chose banale qu’une main pleine ne peut être remplie, à la différence d’une main vide. Or, que constatons-nous ? Le plus souvent, nous prenons bien soin de remplir nous-mêmes cette main, de sorte que nous « restons sur nos rails », nous gardons notre cap ; en la laissant se remplir, et donc en accueillant ce vide, en surmontant notre peur, l’imprévu et la nouveauté y ont leur place, lesquels peuvent alors nous conduire vers de nouveaux et passionnants horizons que nous n’aurions jamais soupçonnés. C’est ce que permet par exemple d’expérimenter, quelles que soient les traditions religieuses, la prière en tant que mise à distance de notre monde et silence.

Voilà pourquoi je me dis depuis longtemps que la peur du vide doit être proportionnellement égale à notre peur de laisser Dieu prendre (toute la ? trop de ?) place dans nos vies.

2 commentaires à propos de “La grande peur du vide !”

  1. Merci de ces mots , osez entrer dans le vide du silence est entrer dans sa vérité,être en paix avec soi même.et au fil du temps les heures se transforment en jours ou l,écriture, la prière et la lecture remplissent ce grand vide nourricier.

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