Long ou court, le circuit de l’information en question

lecteurNous le vérifions tous les jours, l’information juste, calibrée, vérifiée, devient de plus en plus difficile à trouver, quel que soit le circuit par lequel elle passe. Prenons l’exemple des informations venues de Syrie : on apprend tout récemment un événement horrible, qui s’ajoute à tant d’autres, à savoir qu’une attaque chimique aurait tué 86 personnes et en aurait blessé des centaines d’autres, dont des enfants… On va me reprocher d’utiliser des conditionnels : ce n’est pas une question de chiffres ; mais lorsqu’on sait que la guerre de l’information fait rage et se superpose sans cesse à la guerre de terrain, aucun circuit n’est sûr. Tant pour le contenu de l’information que pour la détermination éventuelle des responsabilités, même si l’information paraît maintenant avérée, et si la responsabilité du dictateur Assad est ici très probable.

Cette difficulté à recueillir une information fiable est d’autant plus grave que, le plus souvent, la décision dépend de l’information reçue : comment ne pas se souvenir que la guerre du Golfe a été déclenchée à partir d’une information biaisée sur des armes de destruction massive attribuées à Saddam Hussein ? L’information était fausse, même si l’homme n’en était pas moins un dictateur sanguinaire.

Certains mettent en cause la longueur du circuit emprunté par une information, difficilement vérifiable sur le terrain. Du coup, nous sommes de plus en plus souvent invités à préférer au circuit long le circuit le plus court possible, à nous (ré-) intéresser à l’information locale. Retour de balancier : après avoir voulu être planétaire, et l’être devenue, l’information tend à redevenir locale…

Le problème est que cette « relocalisation » ne garantit rien en termes de vérification : le circuit court est devenu le lieu du court-circuit, et la guerre y est tout aussi présente. Voyez dans les affaires politiques les plus récentes, avec des procès-verbaux d’audition qui parviennent aux journaux avant même que les « mis en cause » et les avocats de la défense n’en aient eu connaissance. Nul ne sait si ces procès-verbaux sont complets, ni ce que les interpellés ont développé dans leur défense etc. Aucune vérification possible ; là encore, certains font confiance, d’autres non, presque toujours en fait en fonction d’une opinion préétablie.

Il est clair que l’information, même en rétrécissant son espace, ne parvient pas, ou ne parvient plus, à garantir son objectivité ou sa qualité. Moins encore du même coup son éthique ! En fait, le problème n’a rien de nouveau : il n’y a pas d’information véritablement objective, et la question essentielle est celle de la confiance que l’on accorde, en fonction de divers critères souvent personnels, à celui, ou au média, qui propose l’information.

Pour moi qui me veux chrétien, disciple de Jésus, je fais confiance à la parole des évangiles : mais cette même parole apparaîtra biaisée, peu fiable, à tel de mes amis qui lit et reçoit ces paroles autrement que je ne le fais. Je peux bien sûr, et c’est éminemment souhaitable, préciser mes raisons autant que possible, apporter des arguments justifiant la confiance que j’accorde, et l’ami apporter inversement des arguments qui éclaireront sa méfiance, mais ces arguments, dans un sens ou dans l’autre, ne suffiront pas à emporter l’adhésion. D’une certaine manière, nous allons nous retrouver dans la situation biblique bien connue où le vrai prophète s’oppose au faux prophète : ce qui va finalement donner raison à l’un plutôt qu’à l’autre dépendra en premier lieu de la confiance que l’on accorde à l’un ou à l’autre, et le cas échéant de la réalisation ou non de la prophétie. Vérification a posteriori dès lors que la confiance n’est pas au rendez-vous initial.

La question se déplace : qu’est-ce qui peut générer et justifier la confiance ? La réponse est simple : la fréquentation, l’échange, osons le mot « l’amitié », finalement quelque chose qui ne peut s’éprouver que dans le contact fréquent et la durée, avec les épreuves traversées pour ciment. Rien d’étonnant dès lors à ce que nous-mêmes, les médias et les politiques, tous ceux qui jouent trop souvent aujourd’hui dans la cour de l’immédiateté, de l’éphémère, du provisoire, du sensationnel, ne bénéficient plus guère de cette confiance. Sous le règne de l’urgence et de la consommation effrénée, la culture Facebook, Snapchat, Instagram et autres, a malheureusement trop souvent remplacé celle des blogs culturels, des journaux et mensuels de fond, et des livres… Pour prendre un exemple dans le domaine des médias, c’est toute la différence entre « Le Monde » d’Hubert Beuve-Méry et celui d’aujourd’hui, sous la houlette de Jérôme Fenoglio !

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