S’aimer soi-même, c’est aimer ce qui est différent en moi

Comme ce blog ne cesse d’en témoigner, je suis de plus en plus touché par la situation des parents ou des familles d’enfants « différents », parce qu’ils semblent difficiles à aimer : ils ont souvent un chromosome en plus, mais pas seulement. Ils ont nom Gaspard, Marie, Guillaume, une autre Marie, Rose, Louise, et j’en passe. Toutes ces parents ou familles témoignent, comme va nous le redire plus bas Alexandra, la maman de Guillaume, combien ils ont eu peur de cette « différence » avant de découvrir l’extrême richesse qu’elle offre. Sans nier aucunement les nombreuses difficultés à la porter dans une société qui se noie dans l’exclusive et le même.

Un discours chrétien ne manquera pas de rappeler que, tel que le propose Jésus, l’amour de l’autre, cet être différent que les chrétiens nomment prochain, est inclusif : rien ne saurait lui échapper, et la parabole du bon Samaritain (Lc 10,25-37) est là pour le rappeler à partir de la question « Qui est mon prochain ? ». La réponse est connue : « celui dont tu te rends proche ». Au cœur de la foi judéo-chrétienne, figure justement le commandement « d’aimer son prochain comme soi-même » (Lv 19,18). Un prochain qui est, de soi, différent.

On conclut souvent de cette recommandation qu’il faut s’aimer soi-même pour aimer l’autre qui est différent, et c’est vrai tant qu’on prend soin d’écarter ce narcissisme qui pourrit nos sociétés. Mais dans cette lecture,  l’autre reste autre et moi, je reste moi ! Or je crois que la recommandation de Jésus va plus loin. Il faut aussi comprendre que l’autre est moi-même, et que moi-même, je suis autre. Pour l’autre comme pour moi. La différence est inscrite en moi comme elle l’est dans l’autre. Pour le dire lapidairement, il y a toujours de moi dans l’autre et de l’autre en moi.

Nos sociétés occidentales se targuent volontiers de respecter, ou même promouvoir la différence, le respect de l’autre : il suffit de regarder le sort réservé aux enfants « différents », aux personnes âgées, aux immigrés, aux exclus, pour se convaincre qu’il n’en est rien. En fait, à mes yeux, ces sociétés ne s’aiment pas ! Je ne jette la pierre à personne, je fais partie d’une telle société, et je sais comme tout un chacun la difficulté de s’aimer soi-même. Mais c’est aussi pourquoi je remercie tous ceux qui nous apprennent à aimer et à nous aimer, et Alexandra, dont j’ai déjà publié quelques billets évoquant son fils Guillaume, porteur de trisomie 21, est l’une d’elles. Voici donc son dernier billet pour les deux ans de Guillaume, vous pouvez le retrouver, avec plein d’autres billets et photos, sur la page d’Alexandra

 

Il y a 2 ans… (ou lettre à Guillaume, mon merveilleux enfant)…

Il y a déjà 2 ans, Guillaume, tu es venu illuminer notre petit monde… Il y a 2 ans, je n’avais plus peur… je t’ai vu… et j’ai été frappée de tant de pureté…

Il y a 2 ans, je t’ai vu et j’ai pleuré… Aujourd’hui, je ne pleure plus mais mon ventre chaque jour se noue, mon cœur se serre, un flot d’émotions m’envahit et me submerge quand je te contemple ; ohhh pas longtemps ! parfois juste comme une claque qui d’un coup viendrait me réveiller pour me dire « mais de quel droit aurais-tu pu prendre une autre décision ? Regarde cet enfant, ton enfant… il est l’Amour, le goût de la Vie, la Lumière dans la nuit »…

Aujourd’hui Guillaume, tu as 2 ans… et depuis 2 ans, je m’émerveille de tant de « possibles » ! Je m’émerveille de chaque progrès que tu fais, je m’émerveille de tout ce que tu fais devrais-je dire ! Tu comprends tout, tu assimiles si vite, tu explores, tu cherches, tu trouves, tu grimpes partout, tu sais tenir un crayon (et même plutôt bien pour ton âge !), tu vas te servir dans le frigo (!), tu sais où se trouvent les compotes les « ptits filous », tu sais où sont rangés les Pampers, tes habits, tu sais où se mettent les chaussures (ben aux pieds pardi !). Tu adores la musique, tu danses, tu adores ta sœur, tu la suis dans ses jeux, dans ses bêtises, et tu éclates de rire à chaque petite chose, à chaque éclat de rire de sa part ! Tu adores ton papa ! ton « pa pa pa pa » ! tu le suivrais partout tout le temps ! Tu adores ses chansons, les mimer et te laisser cajoler, tu aimes les fruits, la viande, les « Kinder Pingui » que ta sœur t’a fait découvrir ! Tu aimes la salade (!), même après le dessert! Tu aimes croquer dans les pommes comme tu croques dans la Vie (même que tu les manges jusqu’aux pépins il n’en reste rien !).

Aujourd’hui mon grand garçon, tu as 2 ans… Tu as compris qu’en entrant dans une pièce on allume la lumière, et tu veux le faire… et en sortant idem ! Tu veux mettre ta veste pour sortir, ton écharpe et tes chaussures. Tu adores la musique, appuyer sur les puces sonores des livres musicaux… et danser sur la musique, en te balançant et bougeant en rythme les bras. Tu imites le bruit du galop de cheval quand tu en vois un, tu joues avec les petites voitures que tu fais rouler en faisant « vouuu vouuu » ! Tu fais « miam miam » en te frottant le ventre quand je dis qu’on va manger. Tu observes tout, imites tout mais prends toi ensuite les initiatives, tu sais ce que tu veux, tu sais comment te faire comprendre, tu te désignes de la main et pointes ensuite ce que tu désires. Tu accours en disant « pa pa pa pa » quand tu entends la clé dans la serrure, quand tu vois un vélo passer, quand tu vas chercher ses chaussures pour me les apporter ?.

Guillaume chapeauDepuis 2 ans « mon Guillaume », tu m’émerveilles, tu fais battre mon cœur, tu me noues la gorge… Tu es la révélation de tous les impossibles devenus possibles… tu es la confiance, tu es la joie, tu es les larmes de la douleur devenue pur bonheur…

Petit frère… aujourd’hui tu as 2 ans… et tu es l’incarnation parfaite du terrible « terrible two » !!! ? Tu es impatient, têtu, persévérant, non obéissant, un petit peu colérique, charmeur, filou, coquin… Tu nous regardes et nous nargues du coin de l’œil… tu te mets debout sur les chaises hyper fier mais sachant très bien que c’est interdit ! D’ailleurs tu fais « non non non » avec la main quand je te gronde ! Je connaissais ta sœur au même âge… mais toi alors… ! Tu es la perfection de cet adage ! Pauvre de moi… ! ? Ton chromosome en plus de ce point de vue, n’a rien que de très « normal » vois-tu ?. Tu adores t’enfuir en nous regardant du coin de l’œil pour être certain qu’on te suive… et zouuuuu direction les escaliers pour une montée (sans savoir comment redescendre !)… et tu peux le faire toutes les 2 minutes… ! Tu es joueur, farceur, tu tends un objet et au moment où on le prend, tu le retires vite en rigolant de ton rire que j’aime tant ! Tu ouvres tous les tiroirs, les portes (que tu refermes aussi !), tu cours, tu t’élances et copies ta sœur qui se jette par terre, tu tapes, tu griffes, tu tires les cheveux… et rigoles de plus belle quand on te gronde ! (ou alors te mets à pleurer de ces pleurs de grand malheureux qui font fondre les cœurs… ! ?)… Ah et moi qui croyais y avoir échappé… : tu réclames les écrans dès que tu en vois un… et tu insistes en t’énervant ! ça me rappelle quelqu’un… ! ? Pour ça le signe (NdR : du Makaton) « encore », tu l’adores.. ! ?.

Guillaume, petit bonhomme… tu adores aussi babiller… « papa » est ton mot de prédilection ! Et tout ce qui commence par « p » a ta préférence : « pain » par exemple ! (l’appel du ventre peut-être aussi ? ?). Tu dis « oua oua » pour le chien, et quand tu en entends un, de suite tu le reconnais. Le « m » a moins la côte il faut bien le dire, « maman » reste souvent « papa » (de même que Margaux ?!). Mais tu sais le dire puisque plusieurs fois je ne suis pas la seule à l’avoir entendu ! et alors tu as fait ton timide et dans un sourire tu t’es lové tout contre moi, tes petits bras autour de mon cou, roi des câlins que tu es❤.

Aimer

Guillaume, je te l’avais promis même avant ta naissance… te l’ai re promis à ta première année… et te le re promets aujourd’hui : je ferai tout pour que tu puisses vivre, simplement heureux. Je réalise chaque jour que je m’émerveille pour tant de petits riens… toutes ces petites choses qui, pour ta sœur, m’avaient émerveillée mais semblaient alors tellement d’évidences, tellement rien… La peur de l’inconnu, l’ignorance… que de gâchis face à tant de possibles… Oh que j’aimerais que le Monde ouvre les yeux… oui je le répète : quand on ne connaît pas… on a peur… et on est bien ignorant de la réalité… on oublie qu’un enfant, notre enfant… ne demande qu’à être aimé… et à aimer…

Hier soir petit Guillaume, comme tous les soirs, tu ne voulais pas aller te coucher… Et pour une fois, tu as préféré mes bras à ceux de ton idole de papa… Alors je t’ai pris tout contre mon moi, j’ai respiré ta douceur au creux de toi… j’ai fermé les yeux et me suis laissée bercer par tant d’Amour… comme lorsque si petit, je passais des heures mon coeur contre le tien, sans bruit… juste dans la saveur de l’instant présent… Et j’ai une nouvelle fois été confortée dans la confiance en ton futur. Tu seras heureux Petit frère… je te le promets de tout mon coeur…

Joyeux anniversaire, Guillaume ! Et merci de tout ce que tu m’as révélé… toi, si petit… mais si grand…

 

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