Avons-nous encore besoin de prophètes ?

Frères et sœurs, nos lectures de ce dimanche nous parlent de la prophétie, mais avons-nous vraiment besoin de prophètes ? Entendons-nous bien : je ne parle pas de ceux qui prétendent annoncer l’avenir, parce que ce n’est pas là l’enjeu de la prophétie. Étymologiquement, si l’on part du terme grec, prophétiser veut dire « parler au nom de » quelqu’un, et le terme le plus exact devrait être « porte-parole ». Alors, je repose la question : avons-nous besoin de porte-paroles de Dieu ?

Ézéchiel, un des prophètesSi je prends au sérieux les lectures que nous avons entendues, une réponse positive ne paraît pas évidente pour au moins deux raisons. La première est que cette parole ne reçoit qu’une très faible audience et semble n’intéresser personne : tant Ézéchiel, à qui il est dit que ceux vers lesquels Dieu l’envoie « ont le visage dur et le cœur obstiné », que Jésus, qui reconnaît qu’« un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison », en témoignent. La mission du prophète est de l’ordre « mission impossible » : certes, la parole est d’argent, mais le silence n’est-il pas d’or ?

Et la deuxième raison ressort de l’évangile, qui mêle deux idées : celle de la parole puissante, et celle du miracle. Or, l’attente de l’entourage de Jésus se porte clairement vers les guérisons qu’il opère plus que vers les paroles qu’il prononce, fussent-elles fortes ! Quelqu’un capable de faire des miracles apparaissait donc pour les auditeurs de Jésus une exigence essentielle, plus importante que l’attente d’un beau parleur, et c’est sans doute le cas encore aujourd’hui.

Devons-nous donc renoncer à la prophétie ? Certainement pas pour la simple et très bonne raison que la parole de Dieu dit et guérit tout à la fois : autrement dit, elle réconcilie parole et miracle. Les théologiens disent qu’elle réalise ce qu’elle signifie. Rappelez-vous, dans le récit de la création, les fameux « Dieu dit et cela est » ; et dans l’évangile les différentes occasions au cours desquelles Jésus dit et réalise en même temps : par exemple, « lève-toi, prends ton grabat et marche ».

Notre monde a toujours eu besoin et a encore besoin de prophètes, mais il a besoin de vrais prophètes, ceux dont la parole est agissante. Au diable les bavards ou les fiers à bras, et bienvenue aux amis de Dieu, attentifs à sa parole, désireux de la transmettre, sans effets, dans la simplicité. En sachant bien, comme l’ont expérimenté Ézéchiel ou Paul que ce sera difficile, qu’ils seront peut-être moqués, mal compris, voire persécutés : « le disciple n’est pas au-dessus du maître ».

Frères et sœurs, je parle de prophètes amis de Dieu, je parle donc de chacun de nous : nous avons reçu l’Esprit de Dieu qui fait de chacun de nous un prêtre, un prophète et un roi. Nous portons ce charisme de prophétie, et il nous faut nous mettre en situation de l’exercer : par l’écoute de la parole de Dieu, sa méditation, puis sa proposition à ceux qui nous entourent, en demandant à l’Esprit de nous éclairer. Nos mots seront faibles, nous n’avons pas le don de la parole ? Moïse, Jérémie, et d’autres ne l’avaient pas non plus. La qualité d’un prophète ne se juge pas à son talent oratoire, ni à sa réussite, mais à son humble disponibilité pour le service de la parole de Dieu.

Comme l’a dit Dieu à Ézéchiel : « qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas, ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux ». Un prophète, autrement dit le porteur d’une parole dont Isaïe nous dit qu’elle ne revient pas sans avoir porté du fruit.

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