La vie éternelle, une autre demeure au cœur de notre monde

En 2009, disparaissait l’un de mes « camarades de promo », comme on dit, Thierry, sans que je puisse assister à ses obsèques : j’avais donc écrit un billet à  sa mémoire. En 2014, disparaissait un autre camarade « de la même tribu », Bernard, et j’avais célébré ses obsèques, sans garder toutefois la trace de la prédication prononcée. Hier, je suis allé présider les obsèques de l’épouse de Bernard, Anne, à la demande de ses deux filles, Caroline et Sophie : je reproduis ici la prédication prononcée, en hommage à tous les quatre.

La vie, la mort, la vie : Caroline, Sophie, chers amis, je ne suis pas en train de rassembler des mots juste comme cela, je vous décris le chemin de tout homme sur la terre. Ce chemin va « de la vie à la vie » : nous venons tous du paradis, ce lieu de la vie à son origine, et nous y revenons, par des chemins il est vrai très variés et souvent ardus (Mt 7,14). Bernard le savait, Anne le savait, nous le savons tous lorsque nous disons par exemple, et qui ne l’a pas dit ou pensé parmi vous, qu’Anne a rejoint Bernard : il faut bien que ce soit quelque part… L’évangile que nous venons d’entendre (Jn 14,1-6) le dit à sa manière en évoquant une demeure où chacun dispose d’une place.

Au départ de l’humanité et de tout homme, il y a donc cette mystérieuse vie : pour les chrétiens, elle n’est pas due au hasard d’une rencontre, elle est d’abord et surtout un cadeau, don de Dieu. Elle nous est confiée, le livre de la Genèse nous dit que nous en sommes les gardiens (Gn 2,15). Notre rôle est de l’accueillir, de l’aimer et de la transmettre, tout en la rendant au passage, la plus belle, la plus généreuse, la plus forte possible : voilà ce que beaucoup d’entre nous font pour leurs enfants, leurs amis, leurs relations.

Il n’est pas nécessaire d’avoir Jésus dans sa poche pour cela. Mais la vie n’est pas que don, bonheur, joie, elle est aussi très fragile, et vous venez, Caroline et Sophie, de l’expérimenter douloureusement pour votre mère. Dans ces situations-là, il n’est pas rare que Jésus soit convoqué et que l’on s’étonne de sa passivité : où étais-tu ? La réponse est pourtant simple : du côté de ceux qui souffrent, pour porter leur croix avec eux comme il a porté la sienne.

Pour leur rappeler qu’hélas ! la mort fait partie de la vie et qu’il a connu lui aussi ce passage. Sans aucune autre raison pour lui que la violence gratuite et l’injustice des hommes. Jésus est le chemin, la vérité, la vie (Jn 14,6), il vient en fait partager nos peines, et leur donner un sens : il y a une vie au-delà de notre vie, même si nous ne la voyons pas de nos yeux de chair, mais nous allons bien, comme je vous le disais, de la vie à la vie. Mais il faut pour cela passer par la mort, fût-elle injuste, imméritée, subite, douloureuse, violente. La vie donnée, c’est la vie donnée jusqu’à la mort pour retrouver la vie, celle des origines, qui est aussi celle qui nous attend.

Le livre d’Isaïe (25,6a.7-9) présente cette vie finale, éternelle comme on dit en christianisme, comme un festin, loin de toute mort : l’image est conforme aux représentations de l’époque, où la bonne chère partagée représentait le comble de la félicité. Pour nous aussi peut-être encore aujourd’hui. Peu importe l’image, la vérité et la réalité sont les mêmes : un nouveau monde nous attend, caché au cœur de notre monde. Heureux ceux qui, comme Bernard et Anne, l’ont déjà trouvé : puissent-ils accompagner leurs enfants et leurs amis durant le temps de leur exil terrestre et les consoler de leurs peines.

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