La grâce de la messe

« J’ose dire que la messe ne m’est nullement indispensable pour me rendre heureux ». Ce propos, cueilli dans un courrier des lecteurs, en rejoint d’autres, mettant en cause l’assistance à la messe et ses bienfaits. Tel celui que me tenait tout à l’heure un ami : « mes enfants trouvent le célébrant de la messe ennuyeux et peinent à y participer ».

Si l’assistance à la messe dominicale reste une « obligation » (Catéchisme de l’Eglise catholique, §1389), de plus en plus rares sont les fidèles qui font droit à cette « obligation » et s’y rendent docilement. Surtout parmi les plus jeunes pour lesquels un rassemblement se doit d’être animé, festif, joyeux, ou encore dynamique : ce à quoi font défaut, estiment-ils, nombre de célébrations eucharistiques. Par l’impuissance du prêtre, peut-être, mais aussi du fait de ces fidèles qui viennent « consommer » et pas assez « participer » ou, a fortiori, « s’engager ».

Je n’ai pas l’intention, par ce billet, de proposer des solutions qui sont hors de mes compétences. Je voudrais juste m’arrêter sur un point. Toutes les remarques telles que celles évoquées plus haut sur la messe, ou plutôt sur telle messe en tel endroit, pour fondées qu’elles soient dans les faits, négligent une dimension essentielle de la messe : la gratuité du don de Dieu !

communion à la messe

Je peux bien en effet peiner à venir, et une fois venu, à rester jusqu’au bout, je peux bien estimer avoir perdu mon temps, j’en reste là à des appréciations dictées par un jugement qui reste extérieur au mystère vécu. Lequel néglige le don que constitue la lecture de la parole de Dieu comme la réception du Corps et du Sang du Christ. Don offert et présent même si le prêtre est ennuyeux, même si les chants sont datés ou catastrophiques, même si l’assemblée est constituée uniquement de vieilles gens, même si…

En d’autres termes, il existe une objectivité de la messe, de sa célébration, du bien qu’elle apporte à travers les lectures bibliques et la communion, que ma subjectivité ne peut pleinement apprécier. Oh ! bien sûr, il est souhaitable que cette subjectivité trouve de quoi se rassasier, surtout pour un événement qui se répète et peut devenir lassant : mes oreilles et mon cœur y gagneront probablement en ouverture et en attention. Et tant mieux si l’occasion s’en présente, et si j’y collabore. Mais la qualité et le bénéfice de toute messe dépassent tout à fait ce sentiment subjectif : la messe est un don gratuit, une rencontre avec le Christ vivant, par-delà les apparences.

Notre monde ne sait plus trop ce qu’est la gratuité, et donc la grâce. Tout s’estime, se pèse, se compte. A… ce compte-là, de fait, la messe, tous les sacrements, mais encore la vie de Jésus, sa mort et sa résurrection, sont de peu de poids et d’importance ! Il est encore temps de réformer notre jugement, de l’aligner sur les exigences répétées de l’évangile, et donc d’apprendre à reconnaître l’importance de ce qui est petit, modeste, humble, faible, pauvre, gratuit.

C’est souvent là que Dieu se donne : « Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le Seigneur n’était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le Seigneur n’était pas dans le feu. Et après le feu le bruissement d’un souffle ténu. Alors, en l’entendant, Elie se voila le visage avec son manteau ; il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. Une voix s’adressa à lui : « Pourquoi es-tu ici, Elie ? » (1 R 19,11-13, trad. TOB)

Une réponse à “La grâce de la messe”

  1. Très juste. Merci.
    La messe est comme la mer.
    Il y a ceux qui se prélassent sur le sable, dont toute l’activité est de s’enduire de crème et se faire voir. La mer les ennuie par principe. Ceux-là n’entrent pas dans la mer, encore moins en eux-mêmes
    Et ceux qui se forcent un peu à plonger sous l’eau, finissent par s’y adapter, et découvrent un jour une vie admirable qui les libère de leur peau. Patients et dociles. ils seront récompensés.
    Deux voies irréconciliables. Le sable chaud séduit irrésistiblement les consciences soumises au plaisir. Quand il les aura recouvert, jusqu’à leur souvenir sera perdu.
    Allah est avec les pieux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.