L’Église catholique peut-elle ne pas changer ?

Il y a quelques années, on pouvait encore évoquer la météo ecclésiale par ces mots : « avis de tempête ». Désormais nous y sommes : à peine a-t-on commencé de déterrer les cas de pédophilie que l’on voit surgir ceux d’homosexualité, et maintenant d’abus sexuels sur des religieuses… Sur ce point, le documentaire à venir (au moment où j’écris, il sera présenté dans 48 h sur Arte), dont j’ai regardé une « version réduite » sur RTS, est accablant : son titre en dit long, « esclaves sexuelles de l’Église ». Cette version est disponible actuellement et pour trois semaines à cette adresse.

Bien sûr, j’aurais a priori préféré que l’on dise « dans l’Église », parce que tous les clercs ne sont pas concernés, et qu’ils sont même une minorité : mais ce serait mettre de côté la communion ecclésiale, oublier que l’Église est un corps. Par contrecoup en effet, les fidèles, les autorités ecclésiastiques à tous niveaux, les personnes en charge jusqu’aux catéchistes, sont éclaboussés. Parce qu’ils n’ont pas su ou pas dit ou pas fait en temps opportun, parce qu’ils ont honte, parce qu’ils ne comprennent pas. C’est bien l’Église tout entière qui est touchée, au moins dans son personnel, que je distingue, à la suite de Jacques Maritain, de sa personne (De l’Église du Christ. La personne de l’Église et son personnel, 1970) .

Le « déballage » ne va pas s’arrêter d’un coup. Pas tant parce que certains trouvent clairement leur avantage à salir l’image de l’Église catholique – laissons de côté tout complotisme – , mais parce que les affaires sont de fait nombreuses et scabreuses : on l’a bien vu aux États-Unis d’Amérique, on le voit en Europe, on le verra sous peu en Afrique ou en Asie. Dire que ce déballage ne devrait pas toucher que l’Église catholique est vrai, mais il n’exonère en rien celle-ci qui se veut exemplaire dans ses paroles comme dans ses comportements : ce à quoi ne prétendent pas, hélas !, les milieux sportifs, éducatifs, artistiques, politiques ou autres.

Mais revenons à l’essentiel, en l’occurrence les victimes : elles peuvent maintenant non seulement parler, mais aussi être souvent entendues, ce qui leur a été longtemps refusé. Même si cela apparaît donc paradoxal, il faut se réjouir de leur témoignage : ces victimes font partie, et à plusieurs titres, des « humiliés » de notre temps, de ceux dont Jésus a toujours voulu se rendre proche au point de les rejoindre sur la croix.

Que faire de leur témoignage ? Ce que ces victimes demandent en premier lieu, c’est d’être écoutées : et si leur témoignage provoque de la sidération, comme le disent ceux qui ont déjà visionné le reportage à venir sur Arte, tant mieux, ce sera au moins signe qu’il a été entendu. La plupart de ces victimes ne demandent pas tant ensuite une compensation, même financière, parce qu’il n’en existe pas vraiment, mais une reconnaissance et un changement, en particulier dans la structure et le fonctionnement de l’Église catholique. Je parle toujours ici de son personnel.

Il me semble à moi comme à tant d’autres que la part faite aux femmes y est encore aujourd’hui ridiculement réduite, et que c’est une cause probable de bien des dysfonctionnements. J’ai toujours à l’esprit la photo maintenant très ancienne des 2500 évêques réunis à Rome à l’occasion du concile Vatican II : très belle d’un point de vue esthétique, mais désastreusement déséquilibrée, pour ne pas dire plus.

Nous étions en 1963, mais les choses ne semblent pas avoir bougé en profondeur. Je sais bien que, souvent, les femmes sont là, à l’arrière-plan, comme elles l’étaient aussi, il y a quelques jours, pour le synode romain sur la pédophilie : à cette occasion, certaines ont été invitées à prendre la parole, et l’ont fait avec brio comme Valentina Alazraki. Mais peut-on s’arrêter là ? Le pape François ne semble pas le penser, tant mieux, mais il semble bien se heurter à de profondes inerties, pour ne pas dire de fortes oppositions.

Le cléricalisme a encore de beaux jours devant lui.

3 commentaires à propos de “L’Église catholique peut-elle ne pas changer ?”

  1. Bonjour Hervé,
    Merci pour ton billet intéressant sur ces sujets très difficiles et perturbants. Ceci dit, je suis dubitatif sur le « déséquilibre » hommes-femmes que tu pointes dans l’église. L’image de la Cène avec Jesus et les 12 apôtres offre le même genre de « déséquilibre », ou encore la succession des papes depuis Saint Pierre. etc. S’il faut changer des choses dans l’église c’est pour renforcer son personnel dans la sainteté (pour le coup les femmes et les hommes sont depuis toujours équitablement réparties dans la sainteté, le calendrier des saints pourrait inspirer plus d’un aréopage républicain vainement paritaire), et non pour l’aligner sur la théorie de l’indifférenciation sexuelle qui sous tend cette recherche dogmatique de la parité homme-femme en niant la réalité d’une humanité composée de 2 sexes différents mais complémentaires.

    As-tu lu le beau texte de Benoit XVI sur les dérives de l’église :
    https://www.infocatho.fr/je-crois-a-la-sainte-eglise-catholique-par-joseph-ratzinger/

    • Adrien, je connais depuis longtemps le texte de Benoît XVI.
      Mais pour en rester à ta question, tu extrapoles et me fais dire ce que je n’ai jamais dit ou voulu dire : tu exprimes des craintes qui sont tiennes, mais il n’a jamais été dans ma pensée d’aller dans le sens d’une « parité dogmatique » telle qu’on la développe aujourd’hui dans certains milieux. Je pense plutôt, entre autres choses, au fait de donner aux femmes une parole trop souvent confisquée par des hommes, et de le faire dans un certain cadre institutionnel pour que cette parole ne soit pas une concession occasionnelle. Mais ce n’est qu’un exemple…

  2. Merci pour cet article. En phase sur la place des femmes, je m’interroge sur celle des laïcs dans ce même « cadre institutionnel » : inexistante, les laïcs n’existent qu’en paroisse. Cela mérite réflexion il me semble.

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