L’eucharistie, chemin de conversion

Frères et sœurs, quand un chrétien s’interroge sur le terme « conversion » et qu’il ne l’applique pas aux questions monétaires, le mot évoquera sans doute pour lui saint Paul et le chemin de Damas : voilà pensera-t-il une conversion exemplaire, inattendue, fulgurante, qui en une seconde a remis l’apôtre sur la bonne route. Il est alors tentant d’imaginer toute conversion à l’exemple de celle de Paul.

Sauf que Paul n’a jamais connu une telle conversion. La preuve en est ce que l’apôtre nous dit aujourd’hui dans la première lettre aux Corinthiens : « celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber ». Autrement dit, la conversion est un chemin qui se renouvelle sans cesse et ne connaît pas de fin. Certes, le terme évoque un retournement initial qui conduit à changer de route, mais ce retournement n’est qu’un début : il faut encore garder la route, apprendre la fidélité au fil du temps, ce qui explique pourquoi, dans la parabole évangélique, le vigneron demande un délai au maître de la vigne.

La question de la conversion est donc aussi celle de la fidélité : passés les premiers émois, comment continuer le chemin ? Je voudrais vous redire que chacune de nos eucharisties est une aide bienvenue et importante sur ce chemin, mais, comme Moïse dans la première lecture, je vais faire un petit détour. Dans cette même lecture, je note la phrase suivante : « C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en d’âge ». Il se trouve là deux mots clés, la mémoire et le nom, qui nous sont donnés comme une exigence durable.

mémoire

La thématique de la mémoire est omniprésente dans la Bible : tantôt pour demander à Dieu de « faire mémoire », de se souvenir des bienfaits accordés et de les renouveler ; tantôt pour inviter le peuple à se souvenir de ces bienfaits et à revenir de son égarement. Faire mémoire conduit donc à revenir à l’alliance conclue par Dieu avec les hommes, pour reprendre le bon chemin et donc de se convertir !

Le nom est une autre réalité biblique, très mystérieuse lorsqu’il s’agit du nom de Dieu. Dans le récit de l’Exode, le nom est : « je suis qui je suis ». Une formule très difficile à traduire qui cache autant qu’elle révèle. La raison en est connue : le nom propre de Dieu est son être, le connaître serait avoir prise sur lui, ce qui est impossible à l’homme. Mais qu’il s’agisse avec Moïse de « celui qui est », ou, avec Jésus, de « notre Père », nous sommes invités à louer ce nom, à le sanctifier, à reconnaître ce que nous lui devons et là encore à reprendre le bon chemin. Faire mémoire du nom, voilà le chemin de la conversion !

Or, c’est précisément ce que nous propose chaque célébration eucharistique. Dans la prière eucharistique n° 3 par exemple, nous rappellerons que Jésus invitait ses disciples et nous-mêmes à « faire mémoire de lui » ; et nous nous tournerons vers Dieu en lui disant : « Souviens-toi aussi de nos frères défunts, souviens-toi des hommes qui ont quitté ce monde ». Ensuite, par le biais du Notre Père, nous nous tournerons vers Dieu pour le louer : « Que ton nom soit sanctifié ».

Frères et sœurs, dans le livre du prophète Isaïe, on trouve cette magnifique affirmation : « ton nom et ta mémoire sont le désir de notre âme ». La célébration eucharistique offre l’un et l’autre, mémoire et nom : si donc le Carême privilégie la prière, l’aumône, l’amour du prochain, n’oublions pas que la célébration eucharistique fervente et fréquente répond au désir le plus profond de notre âme, et constitue elle aussi un chemin de conversion.

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