Aimer, un commandement nouveau

[À propos de Jn 13, 31-33a.34-35 : homélie prononcée à l’occasion du 5e dimanche de Pâques, devant des enfants du collège La Providence]

Chers frères, sœurs et amis, plusieurs d’entre vous vont tout à l’heure vivre une étape de leur vie ecclésiale, la première communion ou la profession de foi. Quand je dis « vivre une étape », il ne s’agit pas pour eux de passer une ligne et de s’arrêter derrière : ils prennent un engagement au long cours, celui d’être fidèles à Jésus. Mais comment cette fidélité va-t-elle se manifester ?

Il me semble que Jésus vient de répondre à cette question dans l’évangile lorsqu’il dit à ses disciples : « je vous donne un commandement nouveau, aimez-vous les uns les autres ». Étonnante recommandation sur deux points : elle se présente en effet comme nouvelle, et sous la forme d’un commandement. Je voudrais revenir sur ces deux points.

Nouvelle, la recommandation ne semble pas l’être vraiment : de toute éternité, chacun souhaite être aimé et aimer toute sa vie. D’ailleurs, pour prendre deux exemples bibliques très anciens, le fameux « tu aimeras ton prochain comme toi-même » n’a pas été inventé par Jésus, il se trouve en toutes lettres dans le livre du Lévitique au chapitre 19. Et dans le livre du Deutéronome, au chapitre 6, on lit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir ».

Où se trouve donc la nouveauté ? En ceci : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres ». Le « comme je vous ai aimés » est essentiel : l’amour dont nous devons vivre tous ici n’est ni le « j’aime » de Facebook, ni même l’amour humain, serait-il fraternel ou conjugal, c’est l’amour qui unit Jésus à son Père et au Saint-Esprit, un amour unique que les premiers chrétiens ont appelé charité. Il ne s’obtient donc pas à la force du poignet : c’est un amour que chacun ne reçoit que dans une mort à soi-même, autrement dit sur la croix.

Alors se pose la question du commandement : peut-on commander d’aimer ? Cela paraît contradictoire dans les termes, tant il est vrai que l’amour a une dimension essentielle de gratuité. Mais justement, comme je viens de vous le dire, l’amour en question n’est pas celui dont nous sommes capables, mais celui que Jésus nous offre : si bien que le commandement d’aimer n’est pas autre chose qu’une invitation à se tourner vers Jésus, ou vers Dieu son Père, pour recevoir le véritable amour par lequel nous devons et pourrons aimer.

Pourquoi commander, pourquoi inviter ? Parce que deux voies se présentent toujours devant chacun de nous, celle de la vie ou celle de la mort, celle de l’amour ou celle de la haine, celle de l’édification ou celle de la destruction : l’Ancien Testament, par exemple dans le livre du Deutéronome (30,15-18), connaît bien cette question et les commentateurs l’ont baptisée « problématique des deux voies ». Le fruit de l’une est vie et bonheur, le fruit de l’autre est mort et malheur…

Il y a, il y aura toujours un choix à faire et à renouveler sans cesse, un choix entre la vie avec Jésus et son Père, ou la vie avec les idoles. Et celles-ci sont nombreuses, attirantes : elles ont pour nom argent, pouvoir, fausse autonomie, sexe, domination… Ce sont là des dimensions de la vie qui peuvent être bonnes, mais auxquelles aussi on peut être asservi. Il y a donc un choix que Jésus nous commande de faire, mais que nous pouvons bien sûr refuser de faire. Je vous parlais tout à l’heure d’un engagement, parce qu’il n’est pas facile de faire ce choix et de s’y tenir.

Seule la présence de Jésus en nous peut nous libérer de toutes ces servitudes. Ne cherchez pas ailleurs, chers amis, le vrai secret du bonheur : il est là pour vous, devant vous, par Jésus, avec Jésus, en Jésus. Bienheureux ceux qui le trouvent et le gardent.

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