Il n’avait ni beauté ni éclat !

Mais quelle est donc cette beauté ?

Une photo diffusée récemment sur les réseaux sociaux nous montre un pèlerinage romain vécu et à revivre par les tenants de « la tradition » : habits chatoyants, ors et encens y ont une place de choix du côté du clergé. Pour vivre aujourd’hui en France, je constate que ces usages ne se limitent pas à Rome, ni même au clergé « traditionnel », mais qu’ils tendent à retrouver une place en des lieux de plus en plus nombreux : il semble que de nombreux frères chrétiens veuillent se faire ou se refaire une identité, et surtout que celle-ci soit visible.

Il se trouve que je le souhaite aussi, mais je ne choisirais pas ces moyens-là qui m’interrogent sur ce qu’est vraiment la beauté d’un point de vue chrétien. Si j’ai horreur du « misérabilisme », qui n’est pour moi rien d’autre qu’une singerie de la vraie pauvreté, je ne souhaite absolument pas pour autant m’aligner sur les critères clinquants, artificiels et sans cesse changeants, de la mode et de la beauté tels que nous les présente notre monde « occidental » : ils laissent sur les marges et excluent le plus souvent ces bien-aimés de Dieu dont j’ai parlé dans un autre billet !

C’est d’une autre beauté dont nous avons plus que jamais besoin aujourd’hui, d’une beauté qui ne fera jamais vraiment rêver, mais qui soit proche de ce serviteur défiguré dont parle le livre d’Isaïe et qui, précisément, « n’avait ni beauté ni éclat » (Is 53,2). Cette beauté-là n’a rien d’extérieure, elle ne peut être que toute intérieure, d’une vision passagère. Elle est comme une « concentration de vie ». Comme le fut celle qu’a manifestée Jésus à ses disciples lors de la Transfiguration.

Cette beauté-là , je l’ai rencontrée à plusieurs reprises dans des mains, dans des visages, dans des regards. Par exemple alors que j’étais étudiant, en allant visiter à l’hôpital de Garches une jeune fille qui ne pouvait vivre que grâce à un respirateur artificiel et dont tous les membres étaient atrophiés : toute sa beauté, et elle était grande, s’était comme concentrée dans ses yeux ! Une telle beauté, qui n’est pas « immédiate », qui n’est pas nécessairement harmonie comme on peut la rencontrer dans une page musicale ou en contemplant un paysage, a quelque chose de fascinant et de terriblement dur à regarder ou supporter : il faut « aller la chercher », elle nous provoque ! Ce que ne fera jamais vraiment la beauté glacée des starlettes ou des tenues d’apparat de certains clercs.

On aime citer aujourd’hui cette phrase de Dostoievski « la beauté sauvera le monde ». Oui, sans doute, mais encore faut-il qu’elle soit proche de celle du transfiguré/crucifié !

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