Entre ciel et enfer

21e dimanche ordinaire, à propos de Lc 13,22-30

Frères et sœurs, il n’est pas rare d’entendre aujourd’hui des chrétiens s’étonner que l’on ne dise plus rien de l’enfer dans les homélies. Je ne cherche pas ce matin à leur donner raison, mais il est vrai que cette histoire de porte étroite que le maître ferme, tout comme l’évangile qui nous a été lu jeudi dernier, à propos d’une invitation aux noces dont sont exclus ceux qui ne portent pas la robe nuptiale, invite quand même à en dire quelques mots. Et à douter des propos de certains, y compris des clercs, qui affirment que l’enfer est vide, ou même qu’il n’existe pas : je comprends leur intention, mettre en avant l’amour divin qui ne connaît pas de limites, mais en niant l’enfer, ils mettent en cause la liberté humaine, et son corollaire, la responsabilité de chacun dans sa propre vie.

Levons d’abord une ambiguïté : l’enfer est moins un lieu qu’une attitude voulue, résolue, de séparation d’avec Dieu. Il est clair que son existence peut légitimement nous révolter quand nous avons fait l’expérience de la miséricorde divine, et quand nous la refaisons sans cesse dans le sacrement de réconciliation. L’enfer existe, ce n’est pas les autres comme Sartre l’a dit dans le passé, c’est une attitude incompréhensible peut-être, mais c’est un choix possible offert à tout être humain. Que d’ailleurs, si j’en crois l’évangile d’aujourd’hui, Dieu lui-même reconnaît en faisant la sourde oreille et en jetant dehors les tardifs mendiants de sa miséricorde !

De l'enfer au cielOh ! certes, ce n’est pas là ce que le Dieu de miséricorde souhaite et qui se trouve exprimé dans les deux premières lectures. Dans le livre d’Isaïe, est évoquée une mission qui consiste à rechercher les rescapés parmi les nations les plus éloignées ; c’était une fois encore ce qui nous était proposé dans l’évangile de jeudi où les serviteurs du maître partaient chercher des invités tous azimuts. Et si l’auteur de la lettre aux Hébreux évoque dans la deuxième lecture une leçon à donner, le but est bien de « produire un fruit de paix et de justice » grâce à elle. C’est clair, la miséricorde divine est première, elle vise à rassembler le plus grand nombre d’humains possibles dans les noces du ciel.

Pourtant, il faut aussi prendre en compte l’attitude de ceux qui s’opposent durablement à ce propos d’amour. Car si Dieu prend l’homme au sérieux, si la liberté de l’homme est ce qui le constitue en profondeur comme être humain, alors, il faut aussi lui laisser la responsabilité de dire non à l’offre divine. En sachant que faire ce choix résolument dès cette vie terrestre, c’est le faire pour la vie éternelle du fait de la continuité qui existe de l’une à l’autre. Oui, frères et sœurs, refuser la possibilité qu’un être humain, même un seul, choisisse l’enfer, c’est aussi dénier toute responsabilité non seulement à cet être humain, mais finalement à l’homme en général, dont la liberté se trouve limitée par ce refus.

Que faire ? Je ne crois pas que nous soyons sur terre pour faire miroiter à tout bout de champ les affres de l’enfer, ni à l’inverse le nier, ni non plus à centrer nos homélies sur ce thème, mais bien plutôt pour proclamer la joie de l’amour reçu et donné. Et pour le vivre pleinement auprès de Dieu et des autres, dès cette terre où notre avenir éternel se joue. De la sorte, l’enfer ne trouvera plus personne à qui se proposer…

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