Ecrire en ligne ou sur papier

Écrire, ce n’est pas la seule tâche d’un frère dominicain, qui passe aussi beaucoup de temps à écouter, échanger, parler, lire, étudier, mais cela reste quand même une part essentielle de son activité apostolique. Ne serait-ce que dans la perspective d’une prédication.

Écrire n’a jamais été facile, même si certains ont plus de facilités que d’autres dans cet exercice. La large diffusion de l’information, et donc le plus souvent de son propos, incite plus que jamais l’écrivain à beaucoup de prudence. Mais elle l’invite aussi à l’audace : quand on a quelque chose à dire, ce qui n’est pas toujours le cas même si on cherche toujours à le faire savoir (cf. le fameux sketch de Raymond Devos), on cherche à le dire à un cercle toujours plus large. Par vanité peut-être, mais aussi parce qu’il nous semble que le propos nous dépasse, et qu’il doit être partagé.

Pour ma part, je le dis sans aucune forfanterie mais parce que cela se passe ainsi, le sujet des écrits de mon blog, y compris celui que je suis en train de rédiger, m’est souvent donné en plein cœur de la nuit, comme un appel à développer et à reprendre le jour venu. « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 Sam 3). Ou essaie d’écouter…

Écrire, cela se fait donc aujourd’hui en ligne autant, et sans doute plus, que sur papier. Ce qui est sans doute dommage : le papier a l’avantage de rester, de prolonger l’échange, beaucoup plus que le propos en ligne qui s’efface très vite, remplacé par d’autres. Pour ma part, j’utilise l’un et l’autre moyen (média), en essayant de tirer bénéfice de l’un et de l’autre. Comme beaucoup, j’ai quand même une préférence pour l’écriture « papier », dans laquelle j’intègre l’écriture de ce blog qui va bien au-delà du commentaire en ligne : il est pour moi comme une page d’un livre.

C’est d’ailleurs la force et la faiblesse d’un blog qui tient de l’écriture en ligne comme de l’écriture sur papier : il « reste » un peu plus longtemps, mais il finit lui aussi par s’enfoncer lentement dans l’océan des publications. Le livre le fait moins rapidement, et il permet des développements plus amples. Mais force est de le constater : la lecture est devenue hélas ! chez moi y compris, un art difficile, qui affronte la question du temps disponible et l’exigence douteuse de l’immédiateté.

De nos jours, le développement de la vidéo rend en outre toujours plus difficile, ou contestable, le fait d’écrire : n’en dit-on pas autant ou plus dans une vidéo ? On peut se poser la question, et, quand j’écoute, comme je viens de le faire, l’éblouissante interview d’un de mes frères dominicains, Pavel Syssoev, sur les thèmes de Dieu, des abus en tous genres, du pouvoir, de l’avenir de l’Eglise, je me dis qu’aucun écrit ne pourrait rassembler tous ces items, avec la même force d’expression et de persuasion. Vous pouvez le vérifier, si vous disposez de 50′, à l’écoute de la vidéo proposée à la fin de ce billet : c’est remarquable d’intelligence et de finesse, comment s’en serait-on rendu compte sur papier ?

Je n’ai pas de bonne solution à proposer : en fait je pense, comme beaucoup, qu’il faut faire feu de tous médias !

P. S. 1 : Mon prochain livre devrait paraître au Cerf, vers le mois de mars, et s’intituler « Nous n’avons qu’une seule vie ». L’idée est que la vie éternelle n’est pas « pour plus tard », mais se vit dès maintenant, chaque jour, et rend le temps de notre vie terrestre essentiel.

P. S. 2 : La vidéo maintenant

Témoins – Pavel Syssoev from diocesebordeaux on Vimeo.

Une réponse à “Ecrire en ligne ou sur papier”

  1. Cher Frère, vous avez admirablement listé là les outils que nous avons à notre disposition pour communiquer, partager, informer, … Pour ma part, je ne crois pas qu’il faille avoir un questionnement sur ces outils, ni de la nostalgie. Je pense souvent au porte-plume de mon enfance et d’ailleurs parfois j’y retourne, mais il faut avouer que les autres moyens sont bien pratique pour partager amplement , rapidement et à tous et aussi pour travailler ce que l’on a à dire. En bref, tous ces médiums ont leur avantage et inconvénients. Encore à mon avis, c’est plutôt le contenu, la qualité du contenu sur laquelle il faut s’interroger : parce que nous avons des outils qui permettent un partage plus direct qu’il s’en suit une informations médiocre, parfois bâclé… Cela me fait penser à une remarque de mon professeur d’orthographe : « attention à la qualité de votre écrit, car lui reste, alors que votre parole est éphémère ». Nous devrions aussi nous appliquer sur la qualité du contenu lorsque nous utilisons des médias visuels ou sonores pour nos partages. Lorsque la liseuse a vue le jour, nous avons tremblé pour le livre; hors il est encore de nos jours le premier cadeau que l’on offre…. donc l’écrit papier a encore une belle vie. A bientôt de vous lire, cher Frère.

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