Lucioles d’espérance

Il y a des jours et des temps où tout devient noir : nous-mêmes ou nos amis connaissons des accrocs de santé, parfois sévères, des parents, des enfants, des amis, s’éloignent, ou même quittent notre terre, les nouvelles radiophoniques ou journalistiques sont déprimantes, et le temps gris se met à l’unisson. L’on ne sait plus très bien que penser, vers qui ou vers quoi se tourner.

Et voici que, dans cette ambiance débilitante, quelques petits riens se manifestent, même pas des lumières, des lucioles. Hier, j’ai appris que de nombreux français se rendaient au cinéma pour y voir le film D’une seule voix, projeté depuis peu en salles : ce documentaire, dont j’ai déjà parlé sur ce blog, est plébiscité. Certains critiques cinématographiques n’y voient que le travail médiocre d’une caméra à l’épaule : personne n’a voulu leur donner les moyens, le savent-ils ? D’autres, tel Léon-Marc Lévy dans Le Monde, estiment que la dimension politique est contournée alors qu’elle est en fait incontournable : bien sûr, mais la résolution de cette question doit-elle être première, n’y-a-t-il pas d’autres choses à faire avant ? En fait, « le bon peuple » ne s’y trompe pas : ce n’est pas tous les jours qu’un reportage sur les rapports entre israéliens et palestiniens se dit avec tant de justesse et d’honnêteté, pour celui qui veut bien voir et entendre, à travers la tournée en France de chanteurs de tous bords. Merci à Xavier de Lauzanne, le réalisateur, merci à Jean-Yves Labat de Rossi, l’organisateur de la tournée, qui ont accepté modestement de nous offrir cette petite luciole.

Tout à l’heure, dans la revue La Vie, je lisais un reportage sur le travail de mémoire réalisé par l’un de mes frères dominicains, Philippe Denis, connu il y a bien longtemps, et vivant depuis 1990 en Afrique du Sud : il s’efforce de permettre aux enfants zoulous dont les parents sont morts du Sida (40% des membres des familles du lieu où travaille Philippe sont porteurs du virus) de mettre des mots sur leurs souffrances. Le procédé a quelque chose de dérisoire : ces enfants disposent d’une boîte personnelle, dite boîte de mémoire (memory box), dans laquelle ils vont ranger des papiers, des photos, des objets, en lien avec les disparus. Qui n’a pas connu dans son enfance ce genre de boîtes, même si elles étaient destinées à un autre usage ? Il me semble que, dans le film si connu Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, il est question d’une de ces boîtes, retrouvée je crois derrière une plinthe, et qui ouvre sur un autre monde.

Je pourrais continuer. Je me dis qu’il en est de notre humeur à un moment donné comme de ce fameux verre dont nul ne saura jamais s’il est à moitié vide ou à moitié plein : les deux, mon général. Mais la chose est bien connue : lorsqu’il est à moitié vide, on le plaint, tandis que lorsqu’il est à moitié plein, on le vide ! Il nous est souvent difficile de ne pas regarder du côté du vide, surtout si l’angoisse du présent nous saisit, ou si les nuages s’accumulent sur l’avenir.

« La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance » (Péguy). La voici convoquée particulièrement en ce temps d’Avent qui va nous conduire à Noël. L’espérance n’est pas un pari ridicule, c’est une assurance qui se nourrit de petites lucioles -en premier lieu celle de la naissance d’un enfant dans une mangeoire- à travers lesquelles Dieu nous parle et nous dit qu’il existe un autre monde, dans lequel il règne. Ouvrons les yeux, prêtons l’oreille, regardons autour de nous autant qu’il nous est possible.

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