Lier et délier

Dans l’évangile de Matthieu, à deux reprises (ch. 16 et 18), il est question de lier et de délier. Voici le deuxième passage : « tout ce que vous lierez sur la terre sera tenu au ciel pour lié, et tout ce que vous délierez sur la terre sera tenu au ciel pour délié » (18,18). Jésus a certainement en vue le pardon des péchés : est-ce pour cette raison que le thème du lien a souvent dans l’esprit des chrétiens une dimension négative ? Il existe sans doute d’autres raisons, par exemple le fait que « liens » soit souvent synonyme de « chaînes »…

Il existe pourtant bien des liens qui ont une dimension positive, tels les liens amicaux ou les liens conjugaux. Ou bien encore dans le monde naval, le bateau est lié à une ancre qui lui permet de ne pas se perdre. Le lien peut donc aussi situer l’homme dans un espace, dans un lieu, dans un temps, à des personnes sans qu’il faille pour autant le considérer comme une chaîne à écarter. Je sais bien qu’en Marc 3,31-35, Jésus semble considérer les liens familiaux comme des entraves, face à sa famille qui le cherche : mais sans doute ne cherche-t-il pas tant à rejeter qu’à desserrer et étendre :   » Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une soeur et une mère.  »

Le terme lien n’est pas seul à souffrir d’une certaine ambiguïté, le terme chaîne en pâtit aussi : que l’on pense à ce que l’on appelle une « chaîne d’amitié » ou de « solidarité », normalement destinée à sortir un individu ou un groupe d’une situation difficile, et nul ne se plaindra de faire partie de cette chaîne, au contraire il y sera encouragé.

La vérité est que l’être humain ne peut se passer de liens ou de chaînes, et que ceux-ci peuvent être doux ou pesants. Ils seront doux lorsqu’il seront choisis ou acceptés et sauront rester légers, lorsqu’ils manifesteront une forme de ce que l’on appelle « l’attachement », tel celui que Jésus avait pour ses disciples ou qu’ils avaient à l’inverse pour lui,  ils seront pesants lorsqu’il seront imposés ou formeront une entrave. Il faut savoir que l’être humain, quel qu’il soit, passe facilement, très facilement, de la forme douce à la forme pesante ! Souvent, comme cela vient d’être évoqué plus haut, parce que la chaîne le rattache à une ancre qu’il a peur de quitter pour partir au large.

Quand on lit les évangiles, on ne peut que noter, et peut-être en manifester une certaine surprise, combien Jésus a toujours su se défaire de tout lien pesant, pour ne garder que les liens les plus doux, et exhorter ses disciples à faire de même. Son vocabulaire en est profondément marqué : « passons sur l’autre rive ! » (Marc 4,35) ; « le fils de l’homme n’a pas où reposer la tête » (Matthieu 8,20); « levez-vous, partons d’ici » (Jean 14,31).

Sans doute savait-il profondément, ce que nous ne cessons d’oublier et qu’il nous faut toujours réapprendre, que nous sommes tous pèlerins sur la terre parce que « notre cité se trouve dans les cieux » (Philippiens 3,20)

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