De la peur des hommes à la crainte de Dieu

Actes 2,42-47 ; Jean 20,19-31

Frères et sœurs, le contraste entre la première lecture tirée des Actes des Apôtres et l’évangile de Jean est saisissant : dans les Actes, où il est vrai que nous sommes après la Pentecôte, les membres de l’Église nous sont montrés libres, sereins, enthousiastes, entreprenants ; dans l’évangile, où il est vrai que nous sommes tout juste après la résurrection, les disciples, et Thomas en particulier, nous sont montrés repliés, incertains, malgré l’Esprit et la paix que Jésus vient leur donner. Une expression définit l’atmosphère qui règne dans le récit des Actes, « la crainte de Dieu », et celle qui pourrait définir l’atmosphère de l’évangile est plutôt «la peur des hommes ».

La crainte de Dieu n’est évidemment pas la peur de Dieu comme notre texte des Actes nous le montre : bien au contraire, elle est parfaite confiance en lui, avec des prières à la maison et au Temple, ou encore des louanges. Luc, le rédacteur des Actes, ne nous le montre pas aujourd’hui, mais il nous le montrera plus tard, cette crainte de Dieu ôte toute peur aux hommes, et l’on verra donc les disciples recroquevillés se lancer dans l’annonce tous azimuts de la bonne nouvelle, en résistant aux pressions, menaces et emprisonnements. Vivre dans la crainte de Dieu consiste à reconnaître qu’il est là à côté de nous, qu’il nous assiste, qu’il est le maître de nos vies, auxquelles nous sommes incapables d’ajouter une coudée, et que nous devons donc toujours nous en remettre sereinement à lui.

Mais au lendemain de la résurrection, les disciples sont encore soumis à la peur des hommes, qui n’a rien d’une banale crainte : ils sont marqués par la croix, par leurs fuites et leurs lâchetés, par les menaces romaines ou celles des grands prêtres. Ils ont connu cette grande peur par laquelle tous les régimes autoritaires assoient leur pouvoir, et dont les révolutions récentes nous montrent combien il est difficile de s’en débarrasser. Cette peur-là fonctionne par accumulation, elle commence en effet par de petites choses, de petites soumissions peu glorieuses, et finit par emprisonner celui qui s’y est compromis. Il est très difficile à un homme quel qu’il soit, toujours marqué par ses limites, de ne pas avoir peur : peur de manquer, peur de l’autre, peur du lendemain, peur de la nouveauté, peur de souffrir…  Les disciples de l’évangile sont j’allais dire comme tout le monde, ils ont peur. Et ce n’est pas un hasard si, plusieurs fois dans l’évangile, Jésus se présente à eux en leur demandant de ne pas avoir peur. Cette peur-là est revenue, comme elle est présente et revient à toute époque.

Dans ces jours qui suivent la résurrection, une certaine forme de peur est sans doute aussi présente dans nos propres cœurs : nous hésitons, nous doutons comme Thomas, nous nous interrogeons, « est-ce bien vrai ? ». Il nous faut passer de la peur des hommes à la crainte de Dieu, et le grand moteur en sera l’Esprit donné à la Pentecôte. Mais nous pouvons nous y préparer en vivant plus que jamais dans la foi. Car ce qui est dit à Thomas nous est dit à nous aussi : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ». Par la foi, par cet abandon confiant à Dieu et à sa parole faite chair en Jésus, par l’ouverture généreuse du cœur, l’auteur de la lettre aux Hébreux nous dit que nos pères « soumirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent l’accomplissement des promesses, fermèrent la gueule des lions ». Frères et sœurs, c’est sur le socle de cette foi que s’installe la crainte de Dieu, celle qui nous envoie sans crainte dans le monde entier pour dire l’amour dont Jésus nous a aimés.

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