Non, tristesse, tu n’auras pas ma vie !

Depuis quelque temps, la tristesse m’accable… Bien sûr, je me dis qu’elle est peut-être en partie la conséquence de ce violent et tenace rhume qui me tient, mais je ne le pense pas vraiment : je crois plutôt qu’elle résulte d’une accumulation de mauvaises nouvelles qui ne touchent d’ailleurs pas que moi, ni même moi au premier chef.

La première et infinie pourvoyeuse de tristesse est l’information, par exemple celle sur les morts qu’égrènent nos journaux : en Syrie, au Nigéria, au Cameroun, en Centre-Afrique, en Birmanie ou même dans certaines de nos villes de France… Exils, exodes, violences, viols… L’époque moderne a ceci de terrible qu’elle nous rend absolument contemporain, chronologiquement et géographiquement, de tous les événements du monde.

Je suis de ceux qui ont du mal à supporter le poids de cette information. Ne souhaitant pourtant pas me réfugier dans une quelconque tour d’ivoire, je réagis comme tant de monde autour de moi : j’écoute, puis je zappe, j’écarte, je passe à autre chose. Sans pouvoir vraiment oublier qu’en ce moment même où j’essaie de prendre de la distance, des familles, des enfants, qui n’ont souvent connu que la guerre, sont hachés par des bombes ou avalés dans la Méditerranée. Et que, si Dieu en avait décidé autrement, j’aurais pu être l’un d’entre eux.

Aurore, non à la tristesseEn « bon chrétien », je me dis alors qu’il est urgent de travailler à la solidarité locale, faute de pouvoir le faire très efficacement au plan international : il y a tant d’occasions. Et voici que l’une d’elles attire tout à coup mon attention, particulièrement émouvante. Je la découvre par le biais d’une de ces familles à enfants « différents », que je « suis » en ligne. Il s’agit d’une mère de quatre enfants, Aurore Ropars, que la myopathie attache désormais à un fauteuil, et qui ne peut plus aujourd’hui, comme elle rêve de le faire, aller chercher ses enfants à l’école ou les conduire à leurs rendez-vous : sa voiture n’est pas adaptée, il lui en faudrait une nouvelle, très coûteuse. Couturière aux revenus modestes, ayant largement travaillé avec son mari à aider d’autres handicapés, elle mérite à l’évidence qu’on l’aide elle.

Elle vient de lancer une cagnotte en ligne, espérant ainsi, à coup de deux euros, mobiliser tout Cambrai où elle habite : elle se décourage, et je lui explique qu’elle n’atteindra jamais de la sorte la somme voulue. Naïvement sans doute, mais confiant pourtant, je lui propose un coup de main via des amis et les réseaux sociaux : j’ai l’impression que ce sera facile et elle accepte. En trois jours pourtant, je n’ai pu lui faire gagner que cinq cents euros pour la dite cagnotte, en plus des trois cents qu’elle avait déjà ! A une dizaine d’exceptions près en effet, il semble que dix ou vingt euros soient de trop actuellement pour les deux cents ou trois cents personnes qui ont eu connaissance de l’appel…  Je sais, je m’y suis peut-être mal pris, les sollicitations sont incessantes, mais la cause est très belle, l’amour d’une mère qui se bat, et je suis donc pour l’heure loin, très loin de la solidarité que j’espérais (1). Tristesse encore, surtout pour Aurore ! 

Et tristesse toujours avec la série des mauvaises nouvelles qui tombent autour de soi. Je ne parle donc pas ici de celles du monde, ou de celles que nous font connaître les réseaux sociaux, mais de celles, toute quotidiennes, qui touchent nos familles, nos amis, nos proches : deuils, maladies, difficultés familiales, conjugales, financières… 

Comment vais-je pouvoir faire face à cette tristesse ? Je ne connais que deux moyens, qui sont loin d’être des expédients : 

  • Le premier est de s’accrocher à toutes les bonnes nouvelles qui tombent en même temps que les mauvaises. Elles sont facilement noyées dans la masse, surtout que ces bonnes nouvelles font rarement la Une de l’actualité ! Il nous faut donc sans cesse chercher, au cœur et au creux des nouvelles qui nous touchent et nous peinent, celles qui peuvent nous faire grandir et nous réjouir. Il est clair pour moi que l’attention que je porte depuis quelque temps à ces familles d’enfants « différents », joyeuses, douloureuses, ou héroïques dans leur quotidien, mais sans cesse espérant, participe de cette volonté de voir le monde autrement que nous le présente l’actualité.
  • Le deuxième est de confier systématiquement ma tristesse, et avec elle les causes qui la font naître, au Seigneur Jésus : il les a prises, il les prend encore sur sa croix, cette croix qu’il me donne à partager et que j’ai tant de mal à porter. 

Seigneur Jésus, toi qui as porté nos morts sur ta croix, puisse, en cette année 2018, la vie que tu nous a donnée par ta résurrection l’emporter sur toutes nos tristesses, et faire resplendir dans nos cœurs et sur notre monde ta lumière et ta paix !  

(1) Le lien vers la cagnotte d’Aurore. Et un article de la Voix du Nord la concernant.

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