Frères et sœurs, puisque Dieu vient faire à Noël sa demeure parmi nous, quel palais devons-nous lui construire ? A l’époque de David, la question avait une réponse évidente : il fallait qu’il soit au moins aussi bien logé que le roi lui-même ! D’autant plus que la puissance de la construction disait alors la puissance de Dieu lui-même. D’où la réflexion du roi au prophète Nathan : « Regarde ! J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous la tente ! ».
Mais vous l’aurez noté, déjà à cette époque, Dieu manifeste une certaine réserve. Jouant sur le double sens du mot maison, tout à la fois construction et lignée, il fait savoir à David qu’il s’intéresse à la lignée plus qu’au bâtiment, à l’homme plus qu’à la pierre. Cela n’empêchera certes pas Salomon de construire le temple, mais sa portée s’en trouvera relativisée.
Si cette idée a eu du mal à s’imposer au fil des siècles, c’est que le temple est vite devenu, ou redevenu, un symbole de la puissance nationale autant qu’une demeure pour Dieu : la chose est parfaitement claire pour le temple d’Hérode dont on peut encore contempler aujourd’hui à côté d’ici certaines assises. Certes, les prophètes, et le courant deutéronomique rappellent sans cesse ce que Dieu avait déjà dit par la bouche de Nathan, que l’homme passe avant la pierre, mais le message a peu d’écho. Il va en retrouver, sous un éclairage polémique, avec Jésus d’abord, puis les auteurs du Nouveau Testament : Jésus avec des déclarations du type « Détruisez ce temple » ; et les auteurs du Nouveau Testament, avec une déclaration plusieurs fois répétée : « Le Seigneur n’habite pas dans des demeures faites de main d’homme ». Mais alors, où habite-t-il finalement ? Où et comment l’accueillir ?
La première réponse nous est donnée au cours de l’Avent à travers la figure de la Vierge Marie : elle est par excellence, bien que le mot ne soit pas prononcé au jour de l’Annonciation, le Temple de Dieu. Qu’a-t-elle fait pour cela ? Je crois que tout nous en est dit dans l’évangile d’aujourd’hui, lorsque l’on comprend que son « Fiat », autrement dit « qu’il me soit fait selon ta parole », ne représente pas seulement sa réponse à un moment donné, mais l’expression de toute une vie. Le livre de l’Apocalypse a des paroles fortes qui s’appliquent parfaitement à la Vierge Marie : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi ». Marie a dit oui à Dieu, on peut même dire qu’elle a été oui à Dieu. Et Dieu s’est reposé en elle , comme il se repose en chacun de ceux qui lui disent « oui ».
Mais il est un autre lieu où Dieu aime à se reposer, et il est manifesté à Noël : ce jour-là, nous découvrirons que le palais offert au Fils de Dieu pour sa venue est une mangeoire. En venant prendre place dans cette humble mangeoire, que nous dit Dieu ? Serait-ce un recul, une préférence accordée finalement à la pierre plus qu’à l’homme ? Le choix de cette mangeoire le dément, et il a valeur symbolique : après avoir reposé en Marie, Dieu vient choisir la dernière place dans le monde. Car la maison qu’il préfère est celle des humbles et des pauvres, et l’on rencontrera son étoile dans les plus humbles chaumières.
Ce n’est pas très glorieux a priori, mais Paul, après en avoir fait lui-même l’expérience saura la thématiser dans la deuxième lettre aux Corinthiens : il faut être très très fort pour accepter d’être très très faible, pour choisir volontairement le dernier rang.
Alors, frères et sœurs, ne rêvons pas, ne rêvons plus de palais : la demeure que Dieu veut habiter n’est rien d’autre que notre cœur, aussi misérable soit-il. A Noël, il n’y a pas de grands et de petits, de riches ou de pauvres, il y a une famille toute simple de Nazareth, des bergers, et des mages : c’est l’église, la communauté de tous ceux qui ouvrent leur cœur à Dieu et l’accueillent modestement en son fils Jésus. Et lui trouve chez eux le plus beau des palais.