Frères et sœurs, le roi Salomon est connu dans la Bible pour deux choses : sa sagesse, quasi-proverbiale, et des frasques sentimentales commises vers la fin de sa vie. N’ayant aucun détail croustillant à vous fournir sur ces dernières, je vais m’intéresser, comme nos textes de ce jour, à cette fameuse sagesse.
La première question qui vient à l’esprit est la suivante : en quoi consiste-t-elle ? À l’évidence, elle n’a rien à voir avec celle que l’on demande à des enfants où ils sont invités à être tranquilles et à ne faire aucun bruit. La première lecture, tirée du livre des Rois, nous donne la clé : « être sage » pour Salomon revient à disposer d’un cœur attentif, apte à discerner. Les traducteurs auraient pu parler de jugement autant que de discernement, parce que le même terme grec dit les deux choses, mais ils ont bien fait de choisir celui du discernement qui exprime cette idée de tri dont il est précisément question dans l’évangile avec les exemples du découvreur de trésor, du négociant ou du pêcheur.
La deuxième question est celle de l’intérêt ou du rôle de ce discernement. Dans le cas de Salomon, il le dit lui-même, il s’agit de gouverner au mieux son peuple, et Salomon l’a particulièrement illustré dans le fameux « jugement de Salomon », un jugement tranchant en l’espèce face à deux femmes revendiquant le même nouveau-né (1R 3,16-28). Pour les autres, pour nous, Jésus nous le dit : il s’agit de lancer le filet dans la mer, ou de creuser la terre, pour découvrir le trésor, ou la perle, qu’est le Royaume des cieux. Mais attention, frères et sœurs, le discernement ne s’arrête pas à la découverte : Jésus nous prévient que tout n’est pas à prendre dans le trésor, la perle ou le filet de pêche, il s’y cache du vieux, qui doit être rejeté, et du neuf, qui doit être gardé.
Quel est-il donc ce neuf auquel nous devons nous attacher ? Le monde ne le connaît pas. Certes, il ne cesse de nous proposer du neuf, tant du point de vue des choses que des personnes ou des doctrines : et nous nous précipitons, avant de découvrir que le neuf sent le moisi, le rance, qu’on nous l’a déjà présenté mille fois sous des formes changeantes…. Au bout de 15 jours, le neuf est devenu terriblement vieux, et il faut très vite le remplacer par du neuf encore plus neuf ! La véritable nouveauté, celle qui dure, l’éternelle nouveauté n’appartient pas au monde.
En réalité, frères et sœurs, il faut nous redire qu’il n’existe qu’une nouveauté toujours neuve, Jésus le Christ. Et je vais reprendre ici quelques phrases de la récente encyclique du pape François, La joie de l’évangile, qui vont redire mieux que je ne saurai le faire cette nouveauté : « Le Christ est « la Bonne Nouvelle éternelle » (Ap 14, 6), et il est « le même hier et aujourd’hui et pour les siècles » (He 13, 8), mais sa richesse et sa beauté sont inépuisables. Il est toujours jeune et source constante de nouveauté. L’Église ne cesse pas de s’émerveiller de « l’abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! » (Rm 11, 33) ».
« Demande-moi ce que tu veux et je te le donnerai », dit Dieu à Salomon. « Demandez et vous recevrez », nous dit Jésus dans l’évangile. Alors, frères et sœurs, pourquoi ne demanderions-nous pas nous aussi cette sagesse, ce discernement qui nous aidera à entrer en possession d’un trésor incomparable qui jamais ne s’épuise, le Christ lui-même ?