Hier, dans les actualités : « L’Oréal supprime les mots «blanc», «blanchissant» et «clair» de ses produits« . Ainsi, dans le contexte d’une prétendue « purification de la mémoire », le blanc n’est plus blanc, et le noir n’est plus noir, mais que sont-ils alors ? Oui, de toute évidence, il existe un usage inacceptable de ces « couleurs » (1) pour qualifier des personnes et leur peau, et établir ensuite des hiérarchies : le blanc serait donc plus pur et supérieur. Lorsqu’on touche à l’emploi des mots dans ce domaine-là, avec ces orientations-là, c’est vrai, c’est insupportable. Il n’existe d’ailleurs en toute vérité ni blanc ni noir : le blanc de peau n’est pas blanc, il est plus ou moins rosé, tout comme le noir de peau n’est pas noir et connaît bien des variantes.
Ce n’est donc pas l’emploi des mots noir ou blanc qui est en cause, mais leur usage dans certains contextes et avec certaine orientations : à cet égard, l’initiative de l’Oréal me semble tout bonnement stupide parce qu’il ne s’agit pas d’usage « racial ». Et je comprends l’ironie d’un Jean-Claude Prieto qui nous offre aujourd’hui sur Facebook un texte dont voici quelques lignes :
» C’est terrible, je suis bien obligé de le reconnaître : je suis raciste. Je viens de m’en rendre compte en mettant en route ma lessive du jour. J’ai séparé le blanc des couleurs. Affligeant. Et dire que j’agis ainsi depuis des années ! Et circonstance aggravante, avec une lessive qui lave plus blanc que blanc. C’est pathétique. Comme Monsieur Jourdain dans un autre domaine, j’étais raciste sans le savoir. Du coup, je suis d’une humeur noire. Ça ne va pas arranger les choses.
Oh, je savais que je ne suis pas blanc comme neige. J’ai connu des périodes noires. Dans un précédent emploi, on m’avait donné carte blanche. Résultat, j’ai monté une caisse noire. Quelque temps plus tard, alors que j’étais déjà connu comme le loup blanc, j’ai travaillé au noir. Découvert, j’ai essayé de montrer patte blanche, mais j’ai été placé sur liste noire. Etc. »
Ce qui me touche dans cette controverse mal venue est que notre tradition dominicaine a toujours associé le blanc et le noir. Voir ci-dessous, le frère Henri-Dominique Lacordaire, qui a rétabli l’Ordre des Prêcheurs en France, et le blason de l’Ordre :


Evidemment, l’esthétique est présente, mais je doute qu’elle soit à l’origine de ces choix. De mon point de vue, l’association de ces deux « couleurs » procède plutôt d’une vision spirituelle : le noir, symbole des ténèbres ou de la nuit, est le lieu de la tentation et de la mort, tandis que le blanc, associé à la lumière, est le lieu de la vie. Ainsi, en Jn 8,12 : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie ». Et c’est pourquoi le blanc est mis en valeur. Mais l’on garde le noir à proximité pour rappeler qu’aucun être humain n’est « tout blanc » ou « tout noir », qu’il a sa part d’ombre et de lumière.
Aussi importe-t-il de garder une vision mesurée et miséricordieuse de toute personne, au moins quant à son for interne.
(1) On dit qu’elles ne sont peut-être pas des « couleurs » en elles-mêmes, mais des mélanges. Ce qui est intéressant, en particulier d’un point de vue anthropologique…