Samedi 16 Février
Départ du couvent Santo Domingo à 8 h 30, alors qu’on prépare la célébration de… 290 baptêmes !!! Oui, vous avez bien lu, ce sont des « baptêmes de masse » pour les pauvres, les riches baptisent leurs enfants par groupes de dix !
Direction le collège St Jean de Latran, où nous accueillent deux jeunes filles et un responsable, Pong Trinidad, qui seront nos guides. L’objectif est de faire le tour de Manille « intramuros », comme l’appellent les Philippins : autrement dit, ce qui reste de la ville fondée par les Espagnols, sachant que plusieurs destructions l’ont affectée au fil des siècles, et particulièrement les bombardements de la seconde guerre mondiale.
Ce qui reste, ce sont essentiellement le mur d’enceinte de la ville, et quelques bâtiments : mais les Philippins s’attachent à relever et reconstruire tout ce qui peut l’être.
Et le résultat est fort intéressant, en particulier le couvent des Augustins, épargné par les troubles, ou bien encore Fort Santiago, lieu où l’on met en valeur la personne du héros national, Jose Rizal, tombé sous les balles d’un peloton d’exécution. Nous n’avons pas oublié les musées, en particulier le musée national, réparti sur deux bâtiments, et où se pressait en ce samedi toute la jeunesse de Manille.
Nos guides, que je remercie vivement, sont manifestement très fiers de leur ville, et ils ont raison : la visite vaut largement le coup. Ils ne sont pas moins fiers de leur collège, et, avant de nous quitter, nous font entendre l’hymne du dit collège (pour ceux qui voudraient en savoir plus, celui du collège du Latran est disponible à l’écoute, avec traduction en anglais et en espagnol, sur cette page : c’est assez martial !) : il paraît que les grands collèges ou universités locales ont chacun le sien.
Un constat pour finir : l’influence espagnole reste très présente partout, et elle n’est pas seulement cultivée pour des raisons touristiques. Au fil des jours, je note les parallèles entre ce que je vois ici et ce que je voyais l’été dernier à Bogotá, en Colombie : développement économique contrasté, fort différentiel riches/pauvres, vigiles de sécurité omni-présents, population jeune et enthousiaste, traditions religieuses enracinées et vivantes ; au plan dominicain, fort contingent de jeunes frères issus des collèges, lesquels jouent un rôle très important, esprit missionnaire, etc.
Lundi 18 – Mardi 19 Février
L’Université Saint-Thomas, fondée en 1611 par les Dominicains dans Manille « intramuros » et déplacée depuis, est la plus ancienne de Manille : cela pourrait lui suffire comme titre de gloire, mais elle y ajoute le fait d’accueillir environ 40.000 étudiants dans ses nombreuses facultés. Elle « héberge » entre autres deux hôpitaux, l’un pour les pauvres, l’autre pour les riches…
Ce lundi 17, après avoir parcouru le musée local, j’ai eu la grande chance de rencontrer le Père Aparicio o.p. au sein de la bibliothèque centrale : passionné par son activité, pas simple dans un pays tropical très humide, il m’a permis de voir le travail opéré dans le service de restauration des livres anciens (les plus anciens sont du XVIIe siècle). Grâce à l’investissement très important opéré par une banque locale, un matériel de très bonne facture a été acheté et des restaurations incroyables opérées. En outre, un travail de numérisation a commencé pour les livres les plus fragiles ou les plus intéressants à mettre en ligne.
Je fus ensuite invité à rencontrer le staff de l’université secrétaire général et recteur compris, mais aussi le petit groupe des enseignants en Bible, au nombre de 4 seulement : comme dans la plupart des pays d’Europe, et sans doute dans bien d’autres pays au monde, la Bible n’est plus l’enseignement phare d’une université ! Aux enseignants, j’ai pu présenter en détail le chantier biblique « Bible en ses traditions », en insistant comme je le fais habituellement sur la conviction qu’on ne peut plus lire au XXIe siècle la Bible comme on l’a fait au XXe : la diversité est acquise, pour les textes d’origine comme pour les interprétations, elle est un rempart contre tout fondamentalisme, et elle doit être accueillie dans la lecture des textes. Mes auditeurs manifestent le plus grand intérêt : ils sont, comme tant, d’autres, retenus par la faiblesse de leurs moyens, et les engagements déjà pris.
Ce mardi, nouveau passage à l’Université Saint-Thomas, cette fois pour une conférence publique, devant un auditoire d’une soixantaine d’étudiants en théologie : sur le coup de 14 h – 14 h 30, ce ne fut pas facile pour plusieurs d’entre eux ! Exposé « classique » qui a entraîné quelques questions, dont l’une inattendue mais excellente : allez-vous maintenir la traduction du tétragramme divin par « Yahvé » ? Je n’ai pu que répondre que j’y étais personnellement défavorable, et qu’il n’était pas prévu qu’elle reparaisse dans la Bible en ses traditions.
La conférence avait commencé par l’hymne de l’université, lequel fut repris à la fin, après la remise de généreux cadeaux au conférencier. Serait-il souhaitable que nous écrivions un hymne pour le chantier de la « Bible en ses traditions » ? Si quelqu’un nous créait quelque chose d’aussi populaire que le fameux clip du « gangnam style », cela pourrait constituer la meilleure des publicités !
Mercredi 20 Février
Avant-dernière conférence publique de la semaine, la dernière étant programmée pour vendredi matin, Ce mercredi, il s’agit de rencontrer quelques membres de l’association catholique biblique philippine, l’équivalent local de notre ACFEB français. Ils sont peu nombreux, mais certains d’entre eux sont venus avec leurs étudiants, et c’est donc un public d’un peu plus de vingt personnes qui vient m’écouter dans l’après-midi. Le « décor » est celui d’une belle salle climatisée : c’était dans le même espace que j’étais intervenu auprès des étudiants en philosophie ; le bâtiment qui l’abrite n’a pas un an, et offre un fort contraste avec son environnement immédiat.
L’accueil est très chaleureux, comme toujours, et les questions seront cette fois un peu plus nombreuses, venues en particulier des enseignants que j’essaie de convaincre que la lecture biblique proposée dans le chantier de la Bible en ses traditions est la lecture de l’avenir, qui finira par s’imposer. Pour être plus convaincant et concret, j’avais pris soin préalablement de remanier un peu la présentation PowerPoint qui accompagnait mes propos, en tenant compte des questions qui m’avaient été posées dans mes précédentes interventions : avez-vous un projet à court terme ? Quel est-il ? Quel soutien pouvons-nous apporter ?