Transfiguration d’Henri Bert († 2007)

L’homélie qui est proposée ci-dessous est ancienne : je l’ai retrouvée très récemment. Elle a été prononcée lors de l’enterrement d’Henri Bert, décédé à 80 ans le 25 septembre 2007. Henri était un grand ami, directeur du Conservatoire de musique de Toulouse de 1970 à 1989, musicien de talent très exigeant bien sûr, en particulier pour les chœurs qu’il dirigeait (par exemple aux Choralies de Vaison-la-Romaine), mais aussi grand spirituel. Marie est son épouse, Marie-Christine, Anne-France, Florence et Emmanuelle ses quatre filles Cette homélie dit beaucoup de choses de lui, mais aussi et surtout de Dieu.

Henri, comment faut-il aujourd’hui parler de toi ? Et que dire dans cette assemblée ? Tu es très pudique, et tout ce que tu as porté de profond, tu as préféré l’écrire dans un recueil de souvenirs que tes enfants m’ont confié : nous sommes parfois loin du personnage public, assumant successivement la direction des conservatoires d’Angers et de Toulouse, contraint de « tenir son rang ». C’est bien toi qui évoques « le jeune homme de 20 ans, timide et audacieux à la fois », et plus loin « une timidité et un manque de confiance en moi persistants, voire paralysants » : on dira que cela date des années 50 et que tu as changé ensuite, mais, sur ce plan-là, je ne suis pas si sûr.

Quand nous nous sommes retrouvés mercredi dernier, Marie, Marix, Anne-France, Florence, Manu et moi, nous nous sommes dits que tu es un contemplatif : j’emploie le présent, pas seulement parce que nous croyons tous en la résurrection, mais aussi parce que, pour ce qui concerne la contemplation, tu as maintenant tout ce que tu voulais et que tu as toujours cherché, ce Christ au fond des êtres et des choses. Tu as entendu Marix, et je crois qu’elle a raison, nous dire que tu es l’homme de la Transfiguration, celui qui ne se rassasie jamais de voir rayonner la lumière, l’harmonie, disons le mot, la beauté, des sons, des arrangements : dans la musique en premier lieu, bien sûr, mais aussi dans l’amitié (il y a tellement de noms cités dans tes souvenirs que je m’y suis un peu perdu), dans l’architecture romane, dans les espaces de la nature, comme aussi d’ailleurs dans le silence.

Retrouver cette beauté, la laisser surgir, la faire grandir, cela n’est jamais facile, cela crée des exigences. Pas seulement au plan esthétique où tu t’es montré toujours rigoureux, peut-être même parfois un peu dur dans tes jugements, mais aussi au plan spirituel : nous revenons au Thabor, à la Transfiguration, car pour toi, il n’y a de beauté que celle de la Trinité, beauté de l’amour, beauté du don sans fin, beauté du Verbe fait chair à laquelle il nous est heureusement donné de participer par l’Esprit-Saint. Cette beauté ne s’arrache pas, elle se reçoit, dans la prière et le silence émerveillé.

Henri, tu le sais, à la fin de l’expérience de la Transfiguration au Thabor, les disciples doivent redescendre dans la plaine. Ils étaient sans doute comme toi et comme beaucoup d’entre nous, ils préféraient la hauteur : il est souvent si difficile de retrouver la beauté du Dieu amour dans les profondeurs de la souffrance et de la nuit. Mais il me semble qu’elle existe là aussi et que tu as commencé non de le comprendre, parce que tu le savais, mais de le vivre, au tournant de ta vie que fut cette première atteinte du cancer en novembre 1994. Tu as des pages émouvantes, souvent magnifiques, sur ce que fut pour toi cette épreuve, cette conversion ou mieux encore cette Pâque, ton passage vers le Seigneur qui a commencé vraiment là ; au-delà de ces pages d’écriture, il y a eu toutes ces rencontres, ces nouvelles proximités, avec Marie, avec ta famille, avec tes amis : comme beaucoup aujourd’hui, je fus là souvent, je me souviens, je passe en revue ces années. Le Dieu d’amour n’était plus dans les hauteurs, mais dans les profondeurs.

Après une longue pause que tu attribues à la prière de tes amis, tu as repris je ne sais plus quand, il y a peut-être un an, cette longue et douloureuse descente, en communion avec Jésus qui ne t’a jamais quitté et que tu n’as jamais quitté, dans une communion de plus en plus forte aussi avec Marie, tes filles, tes gendres, tes petits-enfants, tes amis. Aujourd’hui la Pâque est achevée : tu as retrouvé Mamita, ta mère si vaillante, Jean-Sébastien Bach, ton compositeur préféré, Maurice Duruflé, ton maître et ami, et tant d’autres.

Henri, il paraît que là-haut, ou plutôt là-bas, de l’autre côté du voile, on chante beaucoup, comme aux Choralies. Et il y a largement de quoi faire un orchestre. Des gens de toute race, langue, peuple et nation, et pas de fausse note, pas de geste maladroit, chacun joue sa partition, à fond, avec entrain et justesse. Maintenant, tu sais ou plutôt tu vois pourquoi : les membres de l’orchestre, ceux de la chorale, et les auditeurs ne vivent que d’amour et c’est Jésus qui tient la baguette du chef. Peux-tu prier pour qu’il en aille chaque jour un peu plus de même sur notre terre ?

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