L’amour au coeur de la miséricorde ou de la justice

Frères et sœurs, lorsqu’il s’agit de savoir s’il faut choisir la miséricorde ou la justice face aux écarts que les hommes commettent vis-à-vis des lois, une problématique que connaît bien notre Dieu tout au long de la Bible, mais que nous connaissons tous aussi un jour ou l’autre, la réponse n’est jamais simple : ni le châtiment ni le pardon ne sont nécessairement et toujours formateurs. Aujourd’hui toutefois, avec les lectures de ce dimanche, la balance semble bien pencher du côté de la miséricorde : l’auteur du livre de la Sagesse proclame : « tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes la vie », et Jésus, face à l’exploiteur Zachée, s’invite chez lui sans le provoquer d’abord à la pénitence.

Les tenants de la miséricorde ont de bonnes raisons à faire valoir : ils peuvent souligner que c’est la miséricorde de Jésus qui pousse notre collecteur d’impôts à s’amender et à faire don aux pauvres de la moitié de ses biens. Ils peuvent ajouter que Dieu ne cesse de montrer sa mansuétude à notre égard, que l’exemple du pardon pousse à pardonner ou encore que la miséricorde évite de réduire le pécheur à son péché. À l’évidence, pour eux, la miséricorde sera toujours plus efficace que la justice. De leur côté, les tenants de la justice diront qu’il faut aussi « faire des exemples », qu’il est certains tempéraments que rien n’éduque sinon la sévérité et la peur, que le laxisme provoque l’anarchie et encore que Dieu dans la Bible sait recourir au châtiment aussi bien qu’au pardon : voyez par exemple l’épisode du Déluge.

Le débat est sans fin et il n’a sans doute pas de solution toute faite. Mais il me semble devoir être orienté par la phrase de la première lecture que je viens de citer : « tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi ». Il faut insister sur le « ils sont à toi » qui signifie que ni la justice ni la miséricorde ne seront à propos et efficaces si celui qui les exerce n’a pas de compassion envers celui qui les reçoit. En vous disant cela, je ne peux m’empêcher d’entendre en arrière-plan les propos d’une amie dont le fils faisait, comme on dit, les 400 coups, ceux-ci incluant le passage par la drogue. Un jour qu’elle m’en parlait en disant sa vive tentation de rejeter ce fils qui la poussait à bout, elle ajouta : « mais je ne peux pas le laisser tomber, c’est mon fils ». Elle manifestait ainsi que l’essentiel était l’amour qu’elle avait pour ce fils, et que cet amour devait s’exercer en toutes occasions, qu’elle punisse ou qu’elle pardonne.

En ne disant rien de la miséricorde ou de la condamnation, mais en s’invitant sans autre forme de procès chez Zachée, Jésus manifeste lui aussi la priorité de l’amour sur tout jugement. Et comme Zachée était dans de bonnes dispositions -le fait d’avoir bravé le ridicule en montant sur un arbre pour mieux voir Jésus le montre-, il répond à cet amour par l’amour et en donne des gages. Mais le cas de Zachée ne doit pas nous masquer la réalité, il faut aussi savoir recourir au châtiment : si du moins il est inspiré par la sympathie et non par le rejet, par l’amour et non par la haine. Sinon, il ne fait qu’ajouter de la dureté à de la dureté.

Frères et sœurs, vous connaissez le dicton : « Qui aime bien châtie bien » qui invite à ne pas négliger le châtiment. Pour ma part, j’entends ce dicton un peu différemment, « qui aime bien châtie juste ». Et l’on peut dire aussi : « qui aime bien pardonne bien », ce qui n’est pas toujours plus facile parce que le pardon peut être donné par indifférence ou dédain. En vérité, que l’on choisisse l’un ou l’autre, châtiment ou pardon ne seront justes et profitables que s’ils sont mus par l’amour.

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