A propos de Dt 18,15-20 et Mc 1,21-28
Frères et soeurs, l’église catholique nous propose de vivre l’année 2015 en mettant l’accent sur la vie consacrée. Pour cette raison, et parce que je suis en outre religieux dominicain, je devrais me réjouir des propos de Paul dans la deuxième lecture qui invite à renoncer au mariage, pour ne pas « avoir souci des affaires du monde ». Mais, avec tout le respect que j’ai pour l’apôtre Paul dont je commente souvent les lettres, je vous avoue très franchement que la raison invoquée pour vanter le mérite de la vie consacrée est loin de me satisfaire : je connais bien des religieux fort préoccupés des affaires du monde, en premier lieu de leur carrière, plus préoccupés souvent que ne le sont les gens mariés.
En fait, un élément apporté par la première lecture me semble plus pertinent, et conforme d’ailleurs à toute une tradition ecclésiale ancienne : je veux parler du caractère prophétique de cette vie religieuse. Moins du fait de ce qui se dit, ou de ce que je vous dis aujourd’hui, qui seraient les paroles mêmes de Dieu, que du fait du mode de vie : consécration totale à Dieu, dans toute sa vie, y compris affective. Tel était la vie des prophètes de l’ancien temps, et je pense à la belle figure de Jérémie, ou bien encore à celle de Jean-Baptiste, telle est ou devrait être la vie consacrée.
Si le prophétisme est largement liée à un mode de vie que symbolise ou anticipe la vie consacrée, ce n’est pas une réalité qui se réduit à elle : tous les baptisés sont « prêtres, prophètes et rois ». Il importe donc de se demander comment chacun de nous, et pas seulement le religieux que je suis, peut être prophète aujourd’hui. L’évangile comme la première lecture proposent deux orientations pour y parvenir : une parole reçue, une parole donnée.
Parole reçue d’abord, et non parole prononcée de son propre chef : l’auteur du Deutéronome est clair à ce sujet, une parole dite au nom de Dieu et qui ne viendrait pas de lui entraîne la mort du prétendu prophète. Il faut donc accueillir cette parole, la méditer en son cœur, la laisser reposer, la décanter : c’est tout l’enjeu de l’écoute, de la prière, de la lecture biblique. Aujourd’hui, chacun de nous a trop facilement tendance à parler de tout et de rien, les forums se multiplient et particulièrement ceux qui sont en ligne, on y affirme doctement toutes sortes de pensées nées de l’émotion : les psychanalystes diraient « ça parle ». Mais la réflexion, la parole vraie sont absentes. Souvenez-vous de ce que Dieu disait au prophète Osée « je te conduirai au désert et je parlerai à ton coeur » : c’est dans le désert que l’on reçoit la parole de Dieu.
Une parole qu’il nous est demandé de redonner ensuite, comme on le voit avec Jésus dans l’évangile. Si la parole vient de Dieu, elle est analogue à celle qui s’exprime dans le récit de la Genèse, elle crée, elle agit, elle guérit : avec cette autorité dont parle l’entourage de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm, et qui est l’autorité même de Dieu. En écoutant ce qui se dit, en lisant ce qui s’écrit, j’ai souvent l’impression que les vrais prophètes sont absents, et que notre terre devrait dès lors être jonchée des cadavres des faux prophètes : peut-être bien des nôtres aussi !
Alors, que devons-nous faire ? Quand j’étais encore un enfant, je me souviens avoir entendu bien des fois mon père me dire : « tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler », une réflexion fort juste que vous devez avoir entendue vous aussi, mais que je n’ai pour ma part jamais suffisamment mise en pratique. Dommage, car pour moi comme pour vous, si notre parole était un peu plus alignée sur la parole de Dieu, bien des questions, bien des méprises, bien des conflits, et pas seulement ceux qui se passent au loin mais aussi au coeur de nos familles et de nos communautés, trouveraient d’heureuses solutions. Mais en dehors du dicton que je viens de vous rappeler, il en existe un autre que je vous laisse : « il n’est jamais trop tard pour bien faire ».
« Ne te presse pas d’ouvrir la bouche, que ton cœur ne se hâte pas de parler à Dieu, car Dieu est au ciel, et toi, sur la terre. Donc, que tes paroles soient rares. » Ec 5-1.
Je n’en dirai pas plus, sagesse impose.
Bonsoir frère Hervé! Je fais un saut de Signe dans la Bible à votre blog. Heureuse de vous retrouver.