La charité n’a pas de bornes

borner la charitéPrédication de semaine, un peu retouchée pour l’édition, portant sur Ac 11,19-26 (prédication vers les païens) et Jn 10,22-30 (les brebis que donne le Père).

Frères et sœurs, la question s’est longuement et souvent posée au début de l’église chrétienne : jusqu’où, ou plutôt jusque vers qui doit-on aller pour annoncer l’évangile ? Pour beaucoup parmi les premiers chrétiens, d’origine juive, le peuple juif suffisait, et Jésus lui-même semble d’ailleurs y avoir limité sa prédication ; alors des chrétiens de langue grecque qui vont vers les païens, avant que saint Paul ne le fasse à son tour, quelle hérésie ! Oh, je sais que Luc, dans les Actes et nous venons de l’entendre, y était favorable, et il vient de nous relater l’acquiescement de Barnabé et, à travers lui, de l’église de Jérusalem : mais beaucoup d’indices, en particulier le rôle de médiation qu’il fait jouer à Pierre, montrent que Luc a largement gommé les oppositions.

Peut-être pensez-vous que je vous parle d’un passé dépassé, mais l’actualité montre qu’il n’en est rien. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais à travers plusieurs gestes du pape très récents, le lavement des pieds à des femmes et des non-chrétiens, ou encore ce voyage éclair sur l’île de Lesbos avec retour de 12 réfugiés syriens musulmans dans l’avion, la même question revient sur le tapis : jusqu’où et avec qui ? La charité a-t-elle des bornes ? Et le moins que l’on puisse dire est que le pape est loin de recevoir une approbation majoritaire dans les milieux chrétiens : les oppositions sont là, très violentes souvent, au moins dans les propos. Beaucoup prétendent connaître et lui rappeler le nom des vraies brebis, celles dont il devrait s’occuper, et ne dénoncent pas moins que son déviationnisme religieux et son angélisme supposé… Il dépasse les bornes !

En écoutant les lectures, il me semble pourtant que l’évangile comme les Actes nous disent que les brebis de l’époque de Jésus comme celles d’aujourd’hui sont celles que le Père donne, de manière souvent inattendue et peut-être même irraisonnée, non pas celles que nous nous choisissons en fonction de notre histoire, de nos calculs ou de nos peurs : il y a des brebis qui ne sont pas de l’enclos imaginé ou protégé, et à l’époque il s’agissait d’une Syro-phénicienne, des Samaritains, des païens.. Aujourd’hui, je vous laisse imaginer avec le Christ quelles elles sont. À cette époque-là comme à la nôtre, il n’y avait pas de solution simple et évidente pour les accueillir dans l’enclos, mais des chemins nouveaux à prendre ou à inventer, ceux que d’ailleurs Jésus et les disciples après lui ont pris. Il me semble que c’est ce que le pape François rappelle, on ne peut pas borner la charité. Ouvrons donc nos cœurs et, même si cela doit nous bousculer, faisons-les larges, à la mesure du cœur de Dieu.

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