Assurance et audace de la foi chrétienne

Prédication sur la foi pour le 19e dimanche ordinaire, donnée la veille de la fête de saint Dominique

ancreFrères et sœurs, le thème de la foi relie nos trois lectures de ce dimanche : dans le livre de la Sagesse, il est question d’une nuit pascale connue d’avance, dans la foi bien sûr, par des fidèles ; la lettre aux Hébreux évoque le témoignage de foi donné par les ancêtres ; et l’évangile de Matthieu loue la veille de celui qui se tient prêt pour le retour du Seigneur, et  qui donne ainsi un témoignage de foi dans ce retour. Mais sommes-nous au clair sur ce qu’il faut entendre par ce terme de foi ? Rien n’est moins sûr d’autant que le terme est mis aujourd’hui à toutes les sauces : certains sportifs disent « croire en eux » et y voient le secret de leurs victoires ; l’expression de nos opinions est souvent précédée par un « je crois que… » pas trop assuré ; et quelqu’un dira à un autre très facilement  « tu m’crois » ou, à l’inverse, « tu m’crois pas ».

Croire en qui, en quoi, il est plus difficile qu’on ne croit de définir la foi, si bien que nos lectures s’intéressent plutôt à ses effets. La lettre aux Hébreux ose pourtant une définition, en deux phrases que je vous rappelle : « la foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas ». Pas très simple a priori, et génial en même temps : je comprends que la foi nous tient tout à la fois par le haut et par le bas.

Tenus par le haut, parce que la foi nous relie au Christ, dont l’auteur de la lettre dira plus loin qu’il est une ancre posée dans les cieux : c’est ce Christ, remonté aux cieux, ressuscité, que l’auteur espère et que, grâce au lien de la foi, il possède déjà. Ce lien ne fait pas de lui une marionnette, mais le laisse totalement libre. Et la foi nous tient aussi par le bas, parce qu’elle nous permet de voir l’invisible, encore une expression de l’auteur de la lettre aux Hébreux, et de reconnaître au cœur de toutes choses et de tous les événements, y compris les pires que nous puissions vivre comme il s’en produit tant en ce moment, la présence de Dieu agissant dans l’histoire : vous reconnaîtrez que cela n’a rien d’évident, et qu’il est d’autant plus important de savoir discerner la présence du Seigneur agissant pour la vie, et non pour la mort. Par la foi donc, nous voyons beaucoup plus loin que le bout de notre nez,  nous connaissons ce qui échappe à d’autres, et nous n’avons pas à hurler avec les loups. Lorsque la foi nous tient ainsi en union étroite avec le Seigneur, elle permet toutes les audaces : elle conduit Abraham à accepter de sacrifier son fils, elle pousse les Hébreux au désert pour une délivrance pascale, et elle a conduit notre frère Dominique, à peine l’ordre fondé en 1215, à disperser ses frères en 1217 pour les envoyer proclamer l’évangile etc. etc.

En hébreu, frères et sœurs, les verbes croire et tenir solidement sont un seul et même verbe qui nous est bien connu, ‘aman, qui a donné notre Amen. La plupart de nos amis et contemporains trouveront paradoxal d’associer aussi concrètement les idées de croire et de tenir ferme tant la foi leur paraît une faiblesse, mais vous comprenez qu’il n’en est rien : croire, c’est se fonder en Dieu, en celui qui ressuscite les morts, en une parole éternelle qui ne passe pas, et il ne peut donc rien y avoir de plus solide. Cela n’a rien à voir avec le « croire en moi » des sportifs ou « les crois-moi » que nous utilisons si souvent et dont je vous parlais tout à l’heure : ceux-là ne nous donnent aucune garantie, ne nous assurent aucune solidité.

Croire demande donc d’accepter et de vivre ce lien avec Dieu : pour croire, il faut vouloir croire, se mettre en condition ou en attente de croire, et nous rejoignons ici l’évangile que nous avons entendu et qui nous a parlé d’un serviteur toujours veillant. « J’ai été croyant, je ne le suis plus » disent certains, et ils se reprochent d’avoir vécu sur une illusion : je me demande si leur illusion n’est pas d’avoir cru croire, si je peux m’exprimer ainsi, et de n’avoir pas veillé, à l’écoute de la parole du Maître, dans la participation à sa table, dans le don de soi, bref, dans toutes les occasions qu’il nous donne de nous relier à lui et de trouver en lui toutes nos forces. Là encore, comment ne pas évoquer la figure de Dominique dont la tradition nous dit qu’à peine arrivé dans un couvent, il se rendait dans l’église pour y prier, au risque de s’endormir de fatigue en posant sa tête sur les marches de l’autel.

Bien sûr, au cœur fidèle, au veilleur de l’amour divin, les cieux peuvent pourtant se voiler, le lien de la foi paraître obscur et caché : Thérèse de l’Enfant Jésus, Mère Theresa de Calcutta, et bien d’autres ont connu de véritables nuits de la foi, mais ils ont gardé la certitude de ce lien et le Seigneur ne leur a pas manqué. Il est avec les fidèles pour toujours jusqu’à la fin du monde, il est la grande force des croyants.

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