A propos de Sg 7,7-10.15-16 et Jn 17,11b-19 : Homélie sur la vérité prononcée à l’occasion de la fête universitaire
« Il ment, mais ce fut une belle prestation ».
Chers amis, le propos que je vous rapporte résumait le sentiment de nombreux auditeurs et journalistes à l’issue d’une conférence de presse récente du nouveau président américain. Si je l’ai repris, ce n’est pas pour accabler M. Trump, dans la mesure où je suis convaincu que l’on pourrait dire la même chose de beaucoup de gens, et pas seulement des politiques pour lesquels c’est seulement plus flagrant. En fait, je veux attirer votre attention sur un point qui me semble grave : la vérité n’est pas à l’honneur sur la place publique !
Vous me direz, rien de nouveau sous le soleil ! Il y a quelque temps déjà, le chanteur et poète Guy Béart proclamait : « le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté ! » Le disait-il en pensant à Jésus lui-même, rien n’est moins sûr, mais Jésus fut bien la victime de cette sentence, et la recherche de la vérité est bien au cœur de l’évangile. Non pas que le terme vérité soit omniprésent dans les évangiles : en dehors de l’expression typique et répandue « en vérité, je vous le dis », on le trouve presque exclusivement chez saint Jean et en particulier dans cet évangile que nous avons entendu « Sanctifie-les dans la vérité, ta parole est vérité ». Mais le thème de la vérité se trouve aussi au-delà des mots, par exemple dans les attitudes vécues et proposées par Jésus : je pense ici au renversement des Béatitudes chez Matthieu ou Luc. « Bienheureux les pauvres », « bienheureux les doux », « bienheureux les affligés ».
Tout cela n’a rien à voir avec ce que nous entendons habituellement autour de nous, où l’on exalte la richesse, la force, l’individualisme. Alors je vous le demande : où se trouve la vérité ? Dans les paroles de Jésus ou bien dans ce que le monde veut nous faire croire ? Et si la vérité est dans la parole de Jésus, bien plus en Jésus lui-même comme il l’évoque dans saint Jean « Je suis le chemin, la vérité, et la vie », alors n’est-il pas urgent de le vivre et de le faire savoir autour de nous à un monde qui s’égare ? N’est-il pas urgent de redresser la barre et de mettre la recherche de la vérité au premier plan de notre vie et de nos efforts ?
Dans un monde où la vérité est présentée comme changeante, immédiatement disponible sans aucun effort, dans un monde où chacun a sa vérité, comme on l’entend souvent dire, dans le monde du prêt à penser qui dispense de penser, la question de Pilate à Jésus réapparaît : « qu’est-ce que la vérité ? » Pour notre frère Thomas d’Aquin, elle est une quête difficile, patiente, obstinée et jamais achevée de la meilleure correspondance entre les choses, les événements, les personnes et notre intelligence. Elle met donc en œuvre la raison, mais elle ne s’y arrête pas : elle est aussi affaire de cœur parce qu’elle est inséparable d’une attention bienveillante au monde, aux autres, aux événements, en tâchant de les regarder et de les comprendre sous la lumière du Christ.
La vérité est donc aussi amour, elle est aussi charité, et c’est pourquoi, comme l’a expérimenté saint Augustin après dix ans d’errance, elle conduit inévitablement à Jésus, lui qui est le chemin, la vérité et la vie. Chercher la vérité, c’est chercher le Christ. Trouver la vérité, c’est trouver le Christ. Annoncer la vérité, c’est annoncer le Christ. Chers amis, ne vous lassez pas de le vivre, ne vous lassez pas de le dire même si ce n’est jamais une entreprise facile et immédiate : la vérité est essentielle, elle est amour et service rendu à l’autre, mais surtout la vérité n’est pas relative, elle est une dans le Christ Jésus. Mettez-là donc à l’honneur sur la place publique si d’autres ne le font pas. Mais attention ! Toujours dans la charité, avec laquelle elle marche du même pas.