L’apparence, un appât… rance !

« Dans le mannequinat, on vous presse comme un citron, et puis bye-bye ». Cette remarque d’Estelle Lefébure sur sa carrière passée s’applique en fait à beaucoup d’autres métiers où l’apparence est reine, et je pense en particulier au milieu du cinéma : je crois que l’on doit pouvoir compter sur les doigts d’une ou deux mains les acteurs ou actrices dont la carrière dépasse ou a dépassé cinq à dix ans…

Une raison majeure de cette situation est clairement la dictature de l’apparence : les mannequins, les acteurs ou actrices, les modèles de toutes sortes ne font carrière que le temps de leur beauté. Or chacun sait que cette beauté est non seulement éphémère, mais très diverse selon les cultures, les époques etc. A une époque, dans le mannequinat féminin occidental, on n’appréciait que les femmes plates dont le plus bel exemple fut une certaine Twiggy si mes souvenirs sont bons ; plus tard, les femmes plus « en chair » ont fait leur retour au premier plan, et aujourd’hui, les « rondes » tentent de se faire une place au soleil. Mais en vérité, demander une place pour les « rondes », les « maigres », les « jaunes » ou les « noires », les « petites » ou les « grandes », c’est toujours s’en tenir à l’apparence et tourner dans le domaine de l’appât qui, comme je l’ai écrit dans un titre de… mauvais goût, passe et devient vite rance.

apparence transfigurationLa force de l’évangile est de situer la beauté des personnes dans le cœur, et cela ressort au mieux de l’évangile de la Transfiguration (Mt 17,1-8 ; Mc 9,2-8 ; Lc 9,28-36), fête que nous célébrons au moment où j’écris ces lignes : aucune lumière extérieure, aucun maquillage, rien d’autre que la beauté intérieure sans aucune trace du péché ne transfigure Jésus. C’est l’image du Dieu dans toute sa pureté (Gn 1,26-27). Mais pour l’homme pécheur, il en va tout autrement, l’image est enfouie, salie, et la faire apparaître ou la percevoir peut être très difficile : tant pour la personne concernée que pour celle qui regarde.

C’est donc l’apparence qui prime et les auteurs bibliques le savent bien qui  nous rapportent plusieurs histoires à ce sujet. Pour prendre quelques exemples, évoquons le péché d’Adam et Eve qui a consisté pour une part à trop considérer que le fruit de l’arbre au milieu du jardin était « bon à manger et séduisant à voir » (Gn 3,6) ; pensons encore à la beauté d’Esther qui lui permet de circonvenir Assuérus, tout comme Judith avec Holopherne ; et, plus proche de nous si l’on peut dire, la beauté de la fille d’Hérodiade (Mt 14) obtient d’Hérode la tête de Jean-Baptiste.

Le dépassement de l’apparence est d’autant plus difficile que seul Dieu connaît et scrute « les reins et les cœurs » (Ps 7,10 ; Jr 11,20 ; Ap 2,23) : on peut donc légitimement se demander comment l’homme va pouvoir y arriver… Il lui faut une grâce particulière : celle qui a finalement permis à saint François de reconnaître dans le lépreux qu’il rencontrait sur son chemin autre chose qu’un amas de chairs purulentes ; celle qui a préparé Ste Thérésa de Calcutta à soigner des pauvres et des mourants ; ou encore celle qui a conduit l’icône contemporaine qu’est Jean Vanier à créer et faire vivre l’Arche. Au point que ce dernier déclare aujourd’hui à tous ces oubliés qui l’entourent : « tu es beau et tu as beaucoup à donner« .

« La beauté sauvera le monde » nous dit Dostoïevski, et cette affirmation a fait le tour du monde. Mais le romancier parlait-il de cette beauté éphémère, artificielle, ou de cette beauté de l’âme, fruit de cette présence de l’image de Dieu en tout homme ? Cette beauté, c’est celle que Jésus propose à Pierre, Jacques et Jean, dans cette fête de la Transfiguration, afin de les préparer à la reconnaître sur la croix. Et finalement dans tous les hommes quels qu’ils soient.

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