Radicalisation, déradicalisation, quelle issue ? Bienvenue en Macronie…

La radicalisation n’est pas seulement un mot à la mode, mais une réalité à laquelle notre pays fait face depuis pas mal de temps maintenant. Ce billet part de propos lus récemment, ceux d’un « radicalisé » prétendument repenti, Djebril A., ayant projeté un attentat et actuellement jugé, et qui me conduit à réaffirmer : seul un vrai renouveau spirituel peut provoquer une déradicalisation.

Plusieurs extraits du discours du « radicalisé » ont été publiés sur Le Parisien. Qu’y lit-on ? La marque du vide, et pour conséquence la dépression ! Par exemple, au travers des vidéos de Daech : « moi qui ne connaissais rien de la prière et comment faire les ablutions, je suis tombé sur des personnes qui paraissaient habitées, qui se présentaient comme un exemple à suivre ». Et l’enquêteur de noter qu’après avoir refusé de passer les fêtes chez sa grand-mère comme il avait l’habitude de le faire, car « il ne fallait pas faire comme les mécréants », Djebril A. préférait allumer son téléphone et passer sa soirée « à regarder Daech ». « Je passais ma vie dans ma chambre, Youtube, Daech, Youtube, Daech […] Je n’étais pas musulman, j’étais Daech. J’étais endoctriné »…

La radicalisation qui est évoquée là me semble être clairement une forme d’addiction, pas très différente dans son fonctionnement d’autres addictions. Or que disent habituellement ceux qui accompagnent, par exemple, les « alcooliques » ou les fumeurs invétérés ? Qu’ils ne peuvent chasser leur addiction qu’au prix d’une autre forme d’addiction : parfois des produits de remplacement, mais aussi très fréquemment des engagements spirituels. Tel est d’ailleurs le sujet d’un film de Cédric Kahn en salles actuellement, La prière, qui évoque la communauté du Cenacolo.

J’appelle de tous mes vœux, et je l’ai déjà dit plusieurs fois sur ce blog, à un renouveau spirituel de notre société, et de nous-mêmes de ce fait : il faut que, dans le vide spirituel de cette société, chacun trouve autre chose pour se nourrir que les turpitudes de Daech qui « nous fait tuer quelqu’un contre qui on n’a pas forcément de rancœur. C’est tout le paradoxe avec Daech, c’est de nous faire tuer quelqu’un qu’on ne déteste pas » (Djebril A.).

Emmanuel Macron BernardinsApportons donc un contrepoint pour ouvrir une issue face à la radicalisation. Je l’avoue, je suis de ceux qui, à l’écoute de notre président de la République, se réjouissent de la qualité de son verbe plus sans doute que de sa personne et de son action sur lesquels je continue de m’interroger. J’ai donc été heureux d’entendre hier soir ce discours « devant les évêques de France », et devant pas mal d’autres personnes en fait, et de l’avoir relu avant d’écrire ce billet. Je ne fais pas partie des naïfs qui estiment que ces discours sont « paroles d’évangile », et je saisis très bien la dimension séductrice des propos tenus. Mais en même temps, je me sens très libre vis-à-vis d’eux parce que je n’attends pas systématiquement quelque chose du président, du gouvernement, de quelque instance que ce soit : comment ne pas constater en effet, tout au long de l’histoire de l’Église, que les meilleures initiatives ne sont pas venues d’en-haut, mais de personnes ou de communautés de base, qui ont prioritairement compté sur le don de l’Esprit et secondairement sur la force de leur engagement personnel ?

Cela étant, si les paroles qui vont suivre, et que j’extrais donc des propos du président de la République, ont une « effectivité », alors je ne peux que me réjouir de la perspective que le président dit vouloir ouvrir, et qui va dans le sens que j’évoquais plus haut, celui d’un renouveau spirituel qui serait le meilleur antidote de toute radicalisation, face à notre société matérialiste.

Voici donc, pour terminer ce billet, ces paroles : « Il est enfin une dernière liberté dont l’Église doit nous faire don, c’est de la liberté spirituelle. Car nous ne sommes pas faits pour un monde qui ne serait traversé que de buts matérialistes. Nos contemporains ont besoin, qu’ils croient ou ne croient pas, d’entendre parler d’une autre perspective sur l’homme que la perspective matérielle. Ils ont besoin d’étancher une autre soif, qui est une soif d’absolu. Il ne s’agit pas ici de conversion mais d’une voix qui, avec d’autres, ose encore parler de l’homme comme d’un vivant doté d’esprit. Qui ose parler d’autre chose que du temporel, mais sans abdiquer la raison ni le réel. Qui ose aller dans l’intensité d’une espérance, et qui, parfois, nous fait toucher du doigt ce mystère de l’humanité qu’on appelle la sainteté, dont le pape François dit dans l’exhortation parue ce jour qu’elle est « le plus beau visage de l’Église ». »

4 commentaires à propos de “Radicalisation, déradicalisation, quelle issue ? Bienvenue en Macronie…”

  1. Intéressant Hervé. Mais sans auto-flagellation, encore faut-il avoir présent que nous avons malheureusement contribué à ce vide spirituel dont souffre la plupart dans la mesure où dans l’histoire nous n’avons pas toujours été fidèles à l’évangile et avons confondu religiosité et évangélisation, évangile et religion… Le Christ nous a libérés pour que nous ne soyons plus esclaves, et souvent chrétiens nous l’avons oublié. Il faut donc plus de spiritualité, comprendre plus de liberté et moins de religion et donc de contrainte. Ainsi notre religion se montrera-t-elle différente des «religions meurtrières». Jorel.

    • Je ne suis pas vraiment sûr que cette opposition évangile/religion soit pertinente : elle me semble très contemporaine, et ne pas rendre justice à nos ancêtres dans la foi. Quant à associer religion et contrainte, je le comprends moins encore, ou alors la religion n’est pas la religion ! D’ailleurs, ta phrase finale fait retour à la religion !!! Cela étant dit, dans certains contextes que tu connais, de fait, la religion a créé des esclaves : mais était-ce vraiment la religion ou un masque dont se sont affublés certains colonisateurs (pas tous, loin de là, ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain) ?

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