Frères et sœurs, nous venons de fêter l’Ascension du Seigneur. Pour saint Luc, qui est seul ou presque à rapporter l’événement, cette fête marque la fin d’une époque, celle des apparitions de Jésus sur notre terre. Mais, pour le même saint Luc, cette fin-là n’était pas la fin de tout, et Jésus l’avait expliqué à ses apôtres : « vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit-Saint, qui descendra sur vous ». Voilà précisément ce que nous célébrons aujourd’hui, une nouvelle époque qui commence, le temps du témoignage grâce à la présence de l’Esprit. Une époque qui dure encore et dont nous éprouvons sans cesse la difficulté : que dire, comment dire, à quel moment dire….
Frères et sœurs, je n’ai pas de réponse à cette question, c’est justement le rôle de l’Esprit-Saint d’y répondre. Il est en effet ce que l’on appelle aujourd’hui « un grand communicant ». Voyez. En premier lieu, il établit la communication du Père et du Fils jusqu’à l’homme, ce dont il est question dans l’évangile : « il rendra témoignage… il vous conduira vers la vérité tout entière… il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître ». Si certains d’entre vous devaient regretter, à l’exemple des premiers disciples, le départ de Jésus pour le ciel, qu’ils se disent qu’ils n’ont rien perdu : l’Esprit les met en contact avec lui.
En deuxième lieu, l’Esprit établit ou rétablit la communication entre les hommes, ce dont il est question dans la première lecture. Pour le comprendre, il faut se souvenir que, lorsque Luc retrace à sa manière l’événement de la Pentecôte, il le fait très certainement en référence à l’épisode de la tour de Babel. A cette époque, nous dit le narrateur du livre de la Genèse, « tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots ». Et les hommes cherchaient en outre à faire un seul peuple pour éviter la dispersion. Magnifique situation a priori, et l’on nous dit pourtant que Dieu vient confondre (un verbe que nous retrouvons dans le récit de Luc) le langage des constructeurs de la tour.
Que s’est-il passé ? Dieu serait-il jaloux ? La réalité est tout autre : les hommes voulaient une fois de plus monter au ciel par leur propre volonté, devenir Dieu à la place de Dieu. Et finalement, sans Dieu. Adam et son péché d’orgueil étaient de retour, ils le sont encore avec tous ces hommes qui, grâce à la technologie qui a remplacé les briques cuites au feu, pensent monter tout seuls vers Dieu et prendre sa place.
Or, la Pentecôte vient nous redire que la vraie manière de monter au ciel, de retourner à Dieu, est tout à la fois de travailler à l’unité, tout en acceptant la diversité des peuples, langues et nations : diversité et communion simultanées, ce que la technologie est incapable de réaliser, ce que l’Esprit-Saint seul permet d’obtenir et qu’atteste cette phrase : « Et tous les entendaient rapporter les merveilles de Dieu dans sa propre langue ». En effet, quelle que soit l’interprétation que l’on donne de ce propos, à savoir les apôtres parlaient une autre langue, ou bien les auditeurs les entendaient dans l’unique langue utilisée, unité et diversité sont bien là, ensemble.
Frères et sœurs, la Pentecôte invite à franchir les barrières de la langue, de l’éducation, des traditions religieuses, autrement dit à créer des ponts plutôt que des murs, comme y convie sans cesse le pape François. La tâche est délicate : les aspérités dues aux différences ne sont pas à gommer, mais à harmoniser dans une unité plus grande, et il y faut du temps, de la confiance réciproque, de la confiance en Dieu. Il y faut surtout l’Esprit-Saint.
Voilà pourquoi nous chantons en ce jour dans le Veni Sancte Spiritus, et nous devrions chanter le plus souvent possible cette hymne magnifique : « Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous les fidèles (…) Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé. Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé. À tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés ».