Connaissez-vous Michael O’Brien, écrivain catholique et peintre canadien ? L’un de ses romans, souvent qualifié de « thriller », Père Elijah : Une Apocalypse, paru en 1996 et traduit en 2008, l’a fait connaître en France, alors que sa réputation outre-Atlantique était déjà bien assurée. Dans ce roman, le Père Elijah, carme, est invité par le pape à faire face à l’Antéchrist pour le conduire à la repentance : c’est donc l’histoire d’un combat entre deux puissances (mais non pas deux empires…), celle du Bien et celle du Mal.
On est très proche à bien des égards d’un autre ouvrage beaucoup plus ancien, celui de Robert-Hugh Benson, catholique tout aussi affirmé qu’O’Brien : en 1907, cet auteur publiait un roman traduit en français sous le titre Le maître de la terre (disponible gratuitement en ligne). L’ouvrage déroule l’expansion inexorable de « l’humanitarisme », intrinsèquement lié à la franc-maçonnerie, face au catholicisme, jusqu’à leur clash final en Terre Sainte. Les deux romans sont si proches, à l’exception notable de la disparition de la franc-maçonnerie chez O’Brien, que l’on peut raisonnablement penser que ce dernier a été inspiré par Benson, et qu’il a cherché à en renouveler et actualiser le propos.
Le titre choisi pour l’ouvrage d’O’Brien, littéralement traduit de l’anglais, est supposé reprendre une thématique apparemment bien connue, celle de l’Apocalypse. Mais est-elle aussi connue qu’on le dit ou le pense ? Il n’est en effet pas rare de mettre sous ce mot l’un ou l’autre des éléments de ce genre littéraire, par exemple la dimension eschatologique (autrement dit finale), ou la dimension « imagée » (déluges, trompettes, combats titanesques..) et d’en oublier ce qui en constitue le cœur : la révélation que toute histoire humaine se vit à un « double niveau ».
Littéralement traduit du grec, le mot apocalypse signifie en effet révélation. Mais de quelle révélation s’agit-il chez un auteur d’Apocalypse ? Tout est dit et fort bien dit dans un livre déjà ancien et qui n’existe, à ma connaissance, qu’en anglais : The Method and Message of Jewish Apocalyptic, de D. S. Russel, paru en 1964. L’auteur souligne que le rédacteur d’une Apocalypse veut montrer que l’histoire qui se présente sous nos yeux, celle que nous vivons, n’est que la partie émergée, visible, de notre histoire. Mais une autre histoire, plus spirituelle, se perçoit, existe et se vit à un autre niveau, qui est celui de la foi. La révélation vient donc réconforter celui qui souffre, qui fait face à de douloureuses iniquités ou même de graves violences, et qui serait tenté de renoncer, voire de se renier : il lui est rappelé que son combat est celui de Dieu même. Ce qui est aussi le sens profond de la fameuse Apocalypse de saint Jean.
Les deux ouvrages de Benson et d’O’Brien sont très bien écrits et passionnants. Mais j’avoue que celui de Benson me semble de la plus haute importance du fait de sa dimension prophétique, souvent soulignée par les lecteurs. Y compris par les papes Benoît ou François. A condition de bien comprendre ce qu’il en est de cette dimension.
Certains souligneront la faculté d’anticipation, comme le fait l’auteur de l’article « Le Maître de la terre » sur Wikipedia : « Benson prédit avec précision les autoroutes, les armes de destruction massive, l’utilisation d’avions pour larguer des bombes sur des cibles militaires et civiles, et les voyages aériens pour passagers dans des zeppelins améliorés appelé « Volors » »…
D’autres verront cette qualité prophétique dans la mise en cause radicale de la franc-maçonnerie, tant il est vrai, même s’il n’est pas de bon ton de le dire et moins encore de l’écrire, que certains courants maçonniques, certes sans atteindre l’extrémisme évoqué par Benson, s’opposent très fortement aujourd’hui encore, visiblement ou obscurément, au catholicisme.
Mais le plus de cette dimension prophétique se situe pour moi à un autre niveau. Non pas dans quelque anticipation que ce soit, certes remarquable mais qui est une interprétation réductrice de ce qu’est le prophétisme, mais bien dans le fait de nous manifester les deux niveaux nécessaires de lecture de toute vie. Autrement dit d’être, plus encore que l’ouvrage d’O’Brien, une Apocalypse. Du coup, le livre de Benson constitue pour les catholiques d’aujourd’hui, comme il l’était pour ceux d’hier ou le sera pour ceux de demain, un excellent encouragement à tenir bon dans l’adversité.
Ami catholique, si tu ne l’as pas encore fait, lis l’ouvrage de Benson !