La quête de l’immortalité par l’homme est une constante de son histoire. Elle n’est pas connue seulement de la mythologie grecque, à laquelle on l’associe souvent, mais aussi de la Bible qui s’en fait l’écho dès son premier livre, celui de la Genèse : « Non, vous ne mourrez pas » (Gn 3,4), affirme le serpent à Adam et Ève, tentés de se se saisir du fruit de l’arbre de vie. Dans les débats éthiques actuels que fait naître la société technologique, je suis convaincu que cette aspiration à l’immortalité tient une place de choix chez de nombreux protagonistes, sans qu’elle soit pourtant reconnue. A fortiori avouée.
J’en veux pour preuve indirecte une réflexion de Jean-Louis Touraine, député, rapporteur de la commission mise en place par l’assemblée sur la loi de bioéthique : « Il n’existe pas de droit de l’enfant à avoir un père ». Une réflexion qui a enflammé nombre d’internautes sur les réseaux sociaux. Mais de quoi s’agit-il en fait ?
Quand on écoute l’ensemble de la courte intervention, il faut dans un premier temps faire crédit au rapporteur d’une certaine vérité. Il affirme en effet que rien d’écrit n’existe sur ce sujet ; il ajoute aussi qu’il n’est pas pensable de donner des pères à tous ceux qui en manquent, soit que le père a quitté le foyer familial, soit qu’il est mort. Difficile de le contredire sur ces deux points !
J’ose pourtant espérer que le Dr Touraine, franc-maçon avéré, tient son propos d’une… mauvaise foi paradoxale plus que d’une ignorance. Tant il est clair que ses contradicteurs voulaient dire tout autre chose que ce qu’il a fait semblant de comprendre. Oui, rien d’écrit n’existe parce que la question paraît tellement incongrue qu’elle n’a encore jamais été posée avant que l’évolution technologique ne permette de la penser. Et surtout, l’extension de la PMA signe la disparition du père non comme un « aléa » de la vie, ce qu’évoque le Dr Touraine, mais comme une volonté première d’un couple : et ce sont là deux situations très différentes.
En d’autres termes, il importe de se rendre compte que les possibilités offertes par la technologie sont utilisées délibérément par un certain nombre de concitoyens, ou plus largement de contemporains, pour supprimer toute référence originaire au père. Mais aussi, ce qui n’est pas assez remarqué, au Père avec un grand P, autrement dit à Dieu : l’être humain est vu comme une construction personnelle et autonome, dès son origine et tout au long de sa vie. Jusqu’à sa mort, et même au-delà.
En effet, si l’on complète la perspective en regardant non plus du côté de l’origine, mais de la fin, il est clair que le développement de l’homme non seulement réparé, mais aussi augmenté, ainsi que la recherche sur l’intelligence artificielle, sont perçus par beaucoup comme des possibilités de « mettre fin à la fin », autrement dit de dépasser la mort et d’écarter là aussi toute référence divine. Et de créer une nouvelle anthropologie. Certains gourous issus des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ne s’en cachent d’ailleurs pas !
Au cœur des débats éthiques actuels, c’est donc bien l’immortalité de l’homme qui est recherchée. Mais avec cette spécificité ou nouveauté que cette quête se fait, ou veut se faire, sans aucune référence divine, ni du côté de la naissance, ni du côté de la mort. Ce qui ne devrait pas heurter seulement la conscience chrétienne, mais toute conscience spirituelle !