Depuis plusieurs années, en différents lieux, j’avais eu la chance et la joie de faire partie du mouvement des Entrepreneurs et Dirigeants chrétiens, à titre de conseiller spirituel. Le temps du retrait étant venu, je me réjouissais de savoir que ma participation allait s’achever avec les Assises nationales initialement prévues à Montpellier au moment même où je vous écris, du 20 au 22 mars. Le Coronavirus a contraint les responsables du mouvement à un report, actuellement programmé du 30 octobre au 1er novembre.
Mais doit-on parler d’un report, ou bien d’un renouvellement ? La tentation est forte de se dire que les énergies dépensées à préparer un congrès d’une telle importance, devant accueillir 1600 personnes, se réinvestiront facilement à la nouvelle date prévue, et qu’il ne sera pas nécessaire de tout reprendre à zéro. A vrai dire, ce type de réaction, dont je ne crois pas qu’il soit celui des dirigeants du mouvement, mais sans doute de beaucoup d’autres personnes en de nombreux domaines, me semble hasardeux : en gros, il s’agirait la crise passée de tout reprendre comme avant, ou presque…
Dans le cas des Assises, je doute qu’il puisse en être vraiment ainsi : on peut certes parler d’un report, si l’on s’en tient aux seules dates, mais on n’évitera pas un large renouvellement. Pas plus que dans les autres cas qui peuvent venir à l’esprit. Comment pourrait-il en être autrement alors que des entreprises auront disparu, que des personnes et des groupes souffriront encore, nombreux, sous des formes diverses et pour longtemps, des conséquences désastreuses du confinement en cours actuellement ?
D’ailleurs, en me limitant à l’exemple des Assises EDC, , le programme initialement prévu pour le Congrès « Entreprenons pour la maison commune » pourra-t-il éviter de reprendre à frais nouveaux les questions relatives à la structure de la maison commune, aux changements et à leurs causes, à la fragilité de nos sociétés etc. ?
Nous sommes donc partis pour un renouvellement en profondeur, et nous allons connaître en tous domaines un avant et un après la crise due au Covid-19. Mais au fond, « de quoi le Coronavirus est-il donc le nom ? » Cette question est celle que pose le théologien protestant Elian Cuvilier dans un article publié le 16 mars sur le site Reforme.net :
« Le seul consensus véritable sur lequel tout le monde se met d’accord – quelles que soient ses opinions politiques, religieuses ou philosophique-, c’est la peur de la mort sous la forme d’un virus incontrôlable.
De quoi le coronavirus est-il le nom ? De ce que nous ne sommes plus en mesure d’accepter ce que Freud nomme le sentiment de finitude et le fatum (la fatalité). On pourrait dire aujourd’hui : l’incertitude. Notre société technicienne prétend tout contrôler et finalement elle n’a peut-être jamais été aussi fragile. Tout est prévu… sauf l’imprévisible.
Et, ce que les sociétés encore traditionnelles ou plus précaires économiquement doivent supporter quotidiennement, nous ne l’acceptons tout simplement plus. »
Ce théologien vient rejoindre ce qu’écrit un de mes amis, Loïc Steffan, professeur d’économie à Albi très présent sur Facebook. Il est le co-auteur avec Pierre-Eric Sutter, psychologue, d’un livre à paraître le 20 avril : « N’ayez pas peur du collapse » (Desclée de Brouwer, 2020). Dans cet ouvrage, dont j’ai eu le privilège de recevoir quelques passionnantes bonnes feuilles, nos deux auteurs s’interrogent sur les différentes causes de la mise à l’écart, voire du rejet viscéral qui touche les innombrables et convergentes réflexions sur l’avenir pas tout à fait radieux du monde tel que nous le connaissons actuellement. Et ils mentionnent la peur de la mort jusque sur le bandeau de couverture. Voici par exemple un extrait de leur texte :
« Parce qu’elle paraît absurde, injuste, inconnue ou douloureuse, l’idée de la mort fait peur quand elle est trop proche : elle est mise à distance, refoulée. La « re-présenter » devant nous, si proche, avec ce nouveau concept de collapse, – parfois brutalement- est anxiogène, voire traumatisant. Par conséquent, en réaction à la prise de conscience que notre monde pourrait s’effondrer et ne plus être ce qu’il a toujours été, les praticiens en santé mentale voient apparaître les mêmes mécanismes de peur qu’avec l’angoisse de mort et de finitude« .
Alors, je reprends ma question qui, je le répète, dépasse très largement les Assises des EDC et se pose en de multiples domaines. Une question dont on verra l’étendue quand le Coronavirus aura pris le large, et en attendant peut-être qu’un autre virus ou une autre calamité ne prenne la relève : simple report ou renouvellement en profondeur ? S’il s’agit bien d’une question de vie et de mort, ce que je crois profondément, et si la vie doit l’emporter sur la mort comme Pâques nous en donnera prochainement le signe, ce sera bien alors sous la forme d’un renouvellement. Dont il est aujourd’hui bien difficile de définir la configuration.
Merci pour ce texte mon père que je partage
Bruno
Excellente réflexion qui nous permet .de mieux comprendre le sens de Pâques : le monde ne sera plus le même et nous espérons une vie nouvelle. Un fraternel salut de l’ile Maurice non épargnée par la pandémie
Les biologistes et écologues savent qu’à chaque crise d’environnement (une météorite ou une glaciation par ex.), les écosystèmes, incluant l’homme parmi plusieurs millions d’espèces dans tous les milieux, évoluent sans jamais revenir en arrière à un « statu quo ante ». La flèche du temps n’est pas réversible, ni en physique, ni en biologie et encore moins pour des systèmes complexes comme des sociétés humaines. A nous de faire évoluer ces dernières vers plus de conscience de nos responsabilités vis-à-vis du vivant dont nous sommes issus, plus qu’équité dans la répartition des richesses et plus d’humanité
Hervé merci pour cette réflexion, qui plus est cite Réforme. Toutefois, j’aimerais revenir sur le report des assises EDC. Au niveau de l’organisation, nous savons parfaitement que les assises d’octobre ne seront pas les assises de mars, simplement décalées d’environ 32 semaines. Ce que nous allons vivre, expérimenter, rater et réussir pendant ces 32 semaines est inimaginable actuellement. Les témoignages d’octobre seront complètement différents de ce qu’ils auraient pu être au mois de mars, les participants eux mêmes seront différents. L’expérience sera donc complètement différente, mais très surement absolument indispensable. Le thème restera d’actualité, et tout le reste sera différent. Faut il aller jusqu’à un changement complet d’organisation, il est trop tôt pour le décider, ou même l’imaginer. Tels les surfeurs qui tantôt passent sous la vague qui déferle, et tantôt profitent de l’énergie de la vague, nous espérons qu’après avoir subi de plein fouet la déferlante actuelle, nous surferons sur la houle de l’automne. Et ce sera une expérience enthousiasmante. Actuellement, chaque jour nous montre que ce que derrière ce que nous appelons notre système, les marchés, l’argent, la mondialisation, …. se révèlent des hommes qui décident de fabriquer en urgence des masques pour les soignants, réorganisent leur production pour fournir du gel désinfectant, …. et ce n’est qu’un début. Personnellement, j’espère que cette crise que nous subissons, qui nous place face à nos faiblesses va aussi révéler des talents, et des hommes et des femmes de bien. Alors, oui, en octobre tout sera différent mais par forcément moins bien. Et dans l’immédiat, restez cloîtrés, l’occasion est unique pour la plupart d’entre nous. Fraternellement
Merci, Franck, sache que je partage ton point de vue, et que mon post ne prétendait aucunement que le report des Assises conduirait à une dévalorisation quelconque. Mais à une profonde refonte, sans aucun doute, dont je précise bien à la fin de mon billet qu’elle est encore inimaginable. Comme d’ailleurs, la plupart des choses qui vont advenir à la suite de cette crise.