Un rififi qui a sans doute commencé bien avant la publication le 5 novembre du rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise), mais qui se manifeste depuis avec une force particulière. On le sait, ce rapport a mis en cause des prêtres et religieux à l’origine d’abus sexuels, et de nombreux évêques qui les ont longtemps couverts : il n’a rien dit pratiquement des abus spirituels, et plus généralement des formes d’emprise, qui font elles aussi bien des dégâts. Au-delà de tout compte d’apothicaire, la grande force de ce rapport est d’avoir remis au premier plan les victimes, et leur avoir permis de s’exprimer enfin : à cet égard, je ne saurais trop recommander la lecture du volume 2 du rapport, intitulé « De victimes à témoins ».
D’emblée, des maladresses de communication, et sans doute une certaine jouissance de quelques personnes et médias à mettre en cause l’Eglise catholique de France, ont fait la Une des journaux. Les catholiques s’en étonnent, se trouvent « persécutés », mais ce sentiment procède largement d’une forme d’auto-centrage, et il néglige le fait que notre Eglise se doit d’être exemplaire : elle le reste dans sa tête qui est le Christ, mais elle devrait l’être aussi dans ses membres.
Depuis, le rififi n’a fait que croître. Par exemple, avec la remise en cause du dit rapport, considéré comme orienté et très exagéré dans ses estimations numériques : sur ce point, 8 membres de « l’Académie catholique de France » viennent d’ailleurs de monter au créneau. On peut débattre du fond de leur intervention, que l’on peut trouver en ligne. Pour pour ma part, je l’estime mieux fondé qu’on le le dit, en particulier au plan juridique. Comme je l’ai écrit en ligne à un ami : « Il y a plus chez les académiciens que ce que l’on en dit, et sur des points importants, surtout juridiques, de même qu’il y a plus dans le rapport Sauvé, et sur des points importants, que les académiciens ne le disent.
En d’autres termes, tout le monde gagnerait à rapprocher et confronter sereinement, s’il est possible, les points de vue ».
Mais je regrette profondément la forme choisie pour la diffusion de cette « tribune académique », sans débat et en catimini, remise directement à « l’autorité supérieure », usages d’un autre temps. Et je regrette bien sûr aussi le traitement a minima de la situation des victimes. Jean-Marc Sauvé, qui a conduit les travaux de la Ciase, a raison de s’en émouvoir. Comme vient de le faire aussi, en ajoutant quelques autres critiques tout à fait justifiées, mon ami René Poujol.
On apprend à peu près en même temps que Mgr Aupetit, évêque de Paris, à 5 ans encore de l’échéance normale de son mandat, vient de remettre sa démission au pape : on ne sait le sort qui sera fait à cette demande. Les médias ayant jeté sur le tapis une « relation ambiguë » avec une femme en 2012, dont on ne sait presque rien en fait, il semble, à en croire les propos récents du pape, que Mgr Aupetit paie plus les frais de cette relation incertaine que celle d’un management autoritaire. Ou bien d’orientations pastorales, en particulier dans le domaine moral, qui n’ont plus vraiment droit d’expression sur la place publique.
Si Mgr Aupetit a présenté sa démission, que faut-il dire de Karine Dalle, nommée directrice de la communication de la Conférence épiscopale en septembre et mise sur la touche il y a quelques jours ? On me dit qu’il a tout simplement été mis fin à sa période d’essai, ce qui est donc parfaitement légal. Mais je regrette pour ma part que l’essai d’une femme, mère de quatre enfants, avec un beau CV, ne soit pas transformé, quelles que soient les raisons personnelles ou professionnelles qui aient pu jouer. Et j’espère que l’avenir changera la donne.
En vérité, je me demande quand va s’arrêter ce rififi. Certains nous disent qu’il est largement propre au microcosme parisien : peut-être, pour une part. Mais je crois qu’il témoigne d’une église catholique déboussolée, divisée, et appelée à se réformer pour retrouver un nouvel élan. Et pas seulement en France pour autant que l’on sache. On dit que Rome ne s’est pas faite en un jour, une telle réforme ne fera pas mieux. D’autant plus que l’église catholique de France n’est qu’un élément d’un très vaste vaisseau, aux composantes très diversifiées : bien des points sur lesquels on lui demande de se renouveler ne sont donc pas de son seul ressort.
Faut-il ajouter que prier pour notre « église catholique de France », pour tous ses membres quels qu’ils soient, n’a rien de superflu par les temps qui courent ?