Frères et sœurs, dans la tradition biblique, Salomon est le modèle du sage : c’est donc à lui que cette tradition attribue, sans autre raison que cette sagesse, le livre dit de la Sagesse. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que la sagesse en question n’a pas grand-chose à voir avec celle des enfants. Il ne s’agit pas d’être « sages comme des images », selon une expression née au XVIIe siècle : à l’époque, l’enfant était représenté sur des images comme calme, tranquille, à l’écart des troubles du monde. On dirait aujourd’hui « la force tranquille »
Désolé pour les enfants, la sagesse biblique n’a rien à voir avec cela, et la première lecture l’exprime clairement : ce que le sage Salomon demande à Dieu, c’est le discernement ! Qui nous est présenté successivement comme l’art de distinguer le bien du mal, ou afin d’être attentif et de gouverner à bon escient. Et sans que le mot soit prononcé, c’est bien de discernement qu’il est question dans l’évangile de ce jour. Cacher, trouver, séparer, voilà trois verbes qui définissent très précisément le discernement : cacher parce que ce qui est visé n’est pas immédiatement perceptible, trouver parce qu’il faut se mettre en quête comme on l’est d’un trésor, et séparer parce qu’il faut ensuite faire un tri pour garder ce qui est bon est rejeter ce qui est mauvais.

Dans la mesure où le discernement est don de Dieu, comme l’a bien compris Salomon, il n’attend pas plus que la sagesse dont il est le sommet le nombre des années. Mais il se cultive et s’accroît au fil de l’expérience et du temps, parce qu’il est aussi œuvre humaine. Il s’agit d’un apprentissage prudent, patient, utile à tout homme et pour tous les hommes. Il le fut pour Salomon, comme le relate la fameuse histoire de ce nouveau-né revendiqué par deux femmes et que Salomon propose donc de couper en deux, avant de l’attribuer à la femme qui avait préféré le donner à l’autre plutôt que de le mettre à mort !
Ce discernement reste essentiel pour nous, aux plans familial, social, économique et politique. Je vais prendre l’exemple des réseaux sociaux sur lesquels, depuis longtemps, constatant l’absence de distance et l’importance donnée à l’émotion, j’interviens comme je le peux pour tenter de mettre un peu de paix et de raison. En fait, pardonnez-moi ma forfanterie, j’y suis présent comme Salomon, en priant le Seigneur de me donner part à son discernement !
Frères et sœurs, avec Salomon, demandons au Seigneur de partager sa Sagesse, et tout spécialement le discernement qui en est le signe et le sommet.
Prédication donnée en l’église saint Laurent de Trégastel le 29 juillet 2023. Textes : 1 R 3, 5.7-12 et Mt 13, 44-52