Le pape François à la recherche de la brebis perdue

Je republie ici, en le modifiant légèrement, un article centré sur l’évangile du Fils prodigue, que j’ai publié en octobre 2016 sur ce même blog. Cette reprise m’est inspirée par les textes évangéliques en cours au moment où j’écris, à savoir ceux tirés de Jean 10, qui évoquent le pasteur et ses brebis.

Le fils prodigue

Pauvre pape François ! Que ne lui est-il pas réservé sur les réseaux sociaux : au mieux une bronca pour plusieurs de ses positions ou propos, au pire une mise au pilori, une invitation à lui désobéir et j’en passe. Ce qui ne cesse de frapper le lecteur est que les assauts les plus violents viennent souvent de ceux qui se prétendent les plus fidèles au « trône de Pierre » : pour eux, les actes et les paroles de son successeur d’aujourd’hui sont douteux, inappropriés, inacceptables… Et tous de louer en contrepartie la sûreté théologique de son prédécesseur, le professeur Ratzinger / Benoît XVI. Lequel, pour autant qu’on sache ou puisse s’en rendre compte, ne semble pas plus bousculé que cela lorsqu’on le voit.

Comparaison n’est pas raison, et il est vain de vouloir entrer de la sorte dans le débat. On peut seulement s’étonner que les détracteurs fassent aussi peu de cas de l’assistance de l’Esprit-Saint dans le choix du pape François pour la conduite de son Église, comme de sa formation théologique jésuite : eux en bénéficieraient donc plutôt que lui ? Passons sur de telles prétentions. Le plus important dans le débat demande de comprendre « d’où parle » (une expression que je n’aime pas, mais bon, faute de mieux..) le pape François ? Ses défenseurs insistent traditionnellement sur son origine sud-américaine, plus précisément argentine, et expliquent que ce changement d’hémisphère explique largement un point de vue différent des vieux nord-hémisphériens que nous sommes. Peut-être, mais c’est oublier que le pape voyage, beaucoup, et que son jugement sur les situations et les personnes ne se limite certainement pas à cette vision sud-américaine. D’autres encore vont déplorer son « jésuitisme »…

A mes yeux, mais je peux me tromper, je crois qu’il faut incriminer… l’évangile, et plus précisément la parabole du Père miséricordieux (Lc 15,11-32),qui n’est pas sans évoquer celle de la brebis perdue. Une parabole que le pape François avait d’ailleurs évoquée à l’occasion d’un discours prononcé pour la fin du synode de la famille : il invitait ses auditeurs à se situer du côté du fils prodigue, et à « dépasser les tentations constantes du frère aîné ». Voilà exactement où ne cesse de se situer notre pape, du côté du fils prodigue qu’il cherche à accueillir comme un père, auquel il veut tendre la main : qu’il soit un divorcé, un réfugié, un homosexuel, un luthérien ou que sais-je encore… Et toutes les récriminations que j’entends ou lis sur les réseaux sociaux ou ailleurs, celles dont j’ai parlé plus haut, me semblent très précisément venir de « fils aînés » qui, rappelons-le, ne perdent rien de leur filiation et de leurs avantages dans l’attitude de leur père, mais qui craignent pourtant d’ouvrir la porte au fils prodigue…

Pape François, autrement dit, d’après l’étymologie, père François : réjouissons-nous donc que notre « pape » joue pleinement son rôle de pasteur à l’égard des brebis perdues, et ou de père à l’égard de ses enfants, et que les fils éloignés ou isolés puissent enfin retrouver le confort et la joie de la maison familiale.

P. S. 1 (22/04/2024) J’aurais donc pu commenter à l’époque dans le même sens la parabole de la centième brebis égarée (Mt 18,12-14 ; Lc 15,3-7), que le Pasteur va chercher en délaissant les quatre-vingt dix neuf autres, mais si elle nous indique bien ce que doit être l’attitude du Pasteur, que le pape François met précisément en œuvre, elle ne nous dit rien des sentiments et actes des brebis restées au bercail. Le fils aîné lui s’exprime. 

P. S. 2 (2/11/2016) : De retour de Suède, le pape François est revenu sur la question de l’accueil des réfugiés, en invitant à la prudence : certains commentateurs, journalistes ou intervenant dans les courriers des lecteurs, en ont immédiatement conclu qu’il avait changé de position et parlent de « revirement ». Je souligne d’abord que le propos de mon billet ne se limite pas à l’accueil des réfugiés, et tente de définir un objectif global que je crois toujours vrai et essentiel.
Maintenant, que le pape ait infléchi sa position sur l’accueil des réfugiés est incontestable, qu’il l’ait changée, certainement pas : il continue d’appeler à l’accueil le plus large, il continue de demander de la mansuétude, mais il agit bien comme un père. Constatant en effet que nombre de pays ont refusé totalement son premier appel, que la balance dans la répartition était devenue inégale, et qu’en outre les réfugiés voulaient absolument choisir leur point de chute (très peu la France, en fait) et se constituaient en ghettos, il lui fallait bien « corriger le tir » et choisir une autre voie : mais c’est pour arriver au même but. Quel père agirait autrement ? Comment peut-on lui reprocher cette inflexion sinon pour de mauvaises raisons ?
Excellent article d’Erwan Le Morhedec, dit Koz, tout à fait dans le même sens, sur son blog.

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