Frères et sœurs, l’évangile des Béatitudes est souvent considéré comme le programme du candidat Jésus. Mais pour beaucoup de lecteurs, il s’agit plutôt d’un anti-programme : vanter les pleurs, la faim, la soif, la pauvreté, ne donne pas a priori beaucoup de chances d’être élu.
Il met pourtant l’accent sur une donnée fondamentale au cœur de tout être humain : le manque. Et cela, d’après la Bible, de toute éternité : Ève est née non pas de la côte d’Adam mais de son côté. Et ce manque, d’un côté comme de l’autre, est au cœur de leur rapprochement.
Doit-on se réjouir du manque ? Certainement pas, c’est une source de souffrances pour nous et autour de nous, mais il nous faut aussi comprendre que le manque est à la base de toute relation humaine. C’est parce que je n’ai plus de pain ou de sel que je vais en demander à mon voisin !
Pouvez-vous imaginer ce que serait l’homme s’il ne portait pas en lui ce manque ? Il n’aurait bien sûr nul besoin de Dieu, et c’est ainsi que tant de nos contemporains le perçoivent, mais il n’aurait non plus aucun besoin des autres hommes. En vérité, la perfection, autrement dit la disparition du manque, ne peut être perçue que comme un achèvement et donc une forme de mort.
Vous me direz peut-être : que signifie alors l’exhortation du Lévitique, « soyez saints comme je suis saint » (Lévitique 19,2) ? Qui s’est traduite chez saint Matthieu dans des versets qui suivent de peu notre évangile de ce jour : « soyez parfaits comme Dieu votre Père est parfait » (Matthieu 5,48). C’est assez simple en fait : il s’agit d’une invitation pour le temps de la vie terrestre, mais son aboutissement concerne la vie du ciel, auprès du Père, seul à être parfait.
Ne nous réjouissons pas de nos manques, travaillons à les combler en communion avec nos frères et sœurs, dans des relations justes et vraies : telle est la meilleure des actions sur la terre, et la meilleure des préparations à la vie du ciel.
Textes commentés : 1 Rois 17,1-6 ; Matthieu 5,1-12