Essai de chronologie

Le flou qui entoure les auteurs se retrouve bien sûr au niveau de la chronologie des ouvrages : de nombreux progrès ont néanmoins été faits et, s’il est impossible de donner une date précise à beaucoup d’écrits, on peut au moins les situer dans une période donnée. Ce qui n’est pas sans importance quand on sait combien les conditions historiques de production peuvent éclairer le contenu d’un livre.

Ancien Testament

L’histoire d’Israël se développe autour de quelques dates clés, en tout petit nombre et qu’il est donc possible de mémoriser facilement :

1000 av. J.C. : Règne de David
586 av. J.C. : Prise de Jérusalem par Nabuchodonosor
538 av. J.C. : Retour des Exilés depuis Babylone
170 av. J.C. : Début de la révolte des Maccabées
37 av. J.C. : Hérode le Grand roi de Jérusalem
70 : Prise de Jérusalem par Pompée

Il faut maintenant situer les livres à l’intérieur de cette histoire, et ce n’est pas simple tant les facteurs à considérer sont nombreux. Pour ce qui concerne le Pentateuque et au-delà, disons jusqu’à l’intronisation de David comme roi (2 S 5), le flou est très difficile à lever, aucun consensus n’existe plus aujourd’hui. La saga des Patriarches a longtemps été située en rapport avec l’histoire ancienne de la Mésopotamie ou de l’Égypte, mais tant l’analyse des textes que la recherche archéologique montrent que ceux-ci sont largement des reconstitutions, opérées à plusieurs siècles de distance des histoires rapportées à partir de bribes ou de récits conservés dans la mémoire populaire ou dans les traditions des sanctuaires : les commentateurs ont mis en lumière en particulier des influences deutéronomiques nombreuses et fortes, autrement dit du VIe siècle avant notre ère, sur des histoires censées se passer jusqu’à dix siècles plus tôt…

Il vient d’être question d’influences deutéronomiques, et il faut en dire un peu plus. Le Deutéronome est certes l’un des livres du Pentateuque, mais il est aussi l’écho d’une réforme religieuse entreprise à partir du roi Josias, autrement dit des années 630 ; une réforme qui a manifestement touché la rédaction de plusieurs livres bibliques, et sans doute même accouché d’un certain nombre d’entre eux, particulièrement les livres historiques (Josué, Juges, Samuel, Rois). Mais on peut aussi faire remonter à cette époque plusieurs livres prophétiques, tels Sophonie, Jérémie, et d’autres.

L’Exil à Babylone a été ensuite l’occasion d’une réflexion profonde sur le rapport d’Israël à son Dieu, tant le traumatisme de la chute de Jérusalem fut grand. On date donc de cette époque plusieurs passages du livre de Jérémie, le livre d’Ézéchiel et le deuxième Isaïe (40-66), mais bien des traditions patriarcales pourraient avoir vu le jour ou avoir été collectées aussi à ce moment-là.

Le retour d’exil explique clairement la rédaction des livres d’Esdras et de Néhémie, où il est largement question de la reconstruction du Temple ; plus tard, la révolte des Maccabées justifie les livres qui portent leur nom, et peut-être aussi les livres de Tobit, du Siracide, d’Esther, de Job et plusieurs autres…

Il n’est guère possible d’en dire plus, sinon pour ajouter que les Psaumes, et plus largement les livres sapientiaux sont nés de reprises constantes et ne peuvent avoir, sauf exception ponctuelle, de date précise.

Nouveau Testament

Nous sommes en terrain plus récent, mieux documenté, mais cela ne suffit pas pour donner des résultats assurés : si les lettres paraissent des documents plus faciles à dater que les évangiles, elles n’en sont pas moins peut-être pseudépigraphiques (autrement dit d’une autre main que l’auteur annoncé) ou retouchées. Essayons quand même de donner quelques repères.

Les évangiles sont aujourd’hui largement considérés comme postérieurs à la destruction de Jérusalem en 70, mais un auteur connu, J. A. T. Robinson (Re-dater le Nouveau Testament, Lethielleux, 1987)a contesté ce consensus avec de bonnes raisons sans pouvoir le détruire. En toute occurrence, on parle ici de la rédaction finale, non des traditions rapportés qui sont beaucoup plus anciennes, en particulier toutes celles qui concernent la Passion de Jésus et que nos trois évangiles synoptiques relatent de manière assez proche : telle est d’ailleurs la raison pour laquelle on les dit synoptiques, visibles d’un même coup d’œil.

La date des Actes des Apôtres, dont Luc est certainement le rédacteur, est à l’évidence postérieure à celle de l’évangile, autrement dit pour une majorité de commentateurs à situer dans les années 70-80. Mais on vient de voir que la datation tardive des évangiles reste problématique, et, pour ce qui concerne Luc/Actes, faut-il déduire la date de rédaction des Actes de celle de l’évangile ou opérer à l’inverse ? Pour certains commentateurs en effet, il faut fixer comme terminus ad quem (date finale) de la rédaction le séjour de Paul à Rome qui termine le récit, autrement dit à peu près l’année 64 ; pour d’autres, cette scène finale ne doit en rien interférer sur la datation.

La datation des lettres de Paul dépend bien sûr de la carrière de l’apôtre et donc de la chronologie de sa vie. On considère souvent la première lettre comme étant 1 Thessaloniciens et remontant à l’année 50 : pour ma part, je vois la carrière littéraire de Paul commencer beaucoup plus tôt, dès les années 40, et, paradoxe, je suis prêt à y placer les lettres dites « Pastorales » que l’immense majorité des commentateurs considère aujourd’hui comme pseudépigraphiques : elles ont un caractère juif marqué, qui pourrait très bien appartenir au Paul nouveau converti, et elles témoignent d’un souci d’organisation ecclésiale essentiel dès le début de la mission et que l’on ne peut retirer à Paul (cf. Ac 14,23) !

À vrai dire, la pseudépigraphie, pour ce qui concerne le Nouveau Testament en général et les lettres de Paul en particulier, me paraît un vaste leurre, sur lequel je vais revenir. Dès lors, les 10 lettres, autres que les Pastorales, traditionnellement attribuées à Paul sont de lui et s’étagent des années 40 à 60.

Pour les autres lettres du Nouveau Testament, si l’on accepte que les auteurs annoncés sont les auteurs réels, on aura toutes raisons de les situer avant l’année 70.

Quant à l’Apocalypse, que l’on attribue le plus souvent à saint Jean, une datation plus tardive, de l’ordre des années 80-90, paraît plutôt légitime.

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